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SESSION PARLEMENTAIRE.

chent presque toutes à des intérêts secondaires : l’une avait trait au défrichement des bois, l’autre à la législation des cours d’eaux, une autre enfin demandait une modification du code de commerce. Presque toutes sont demeurées sans résultat ; le ministère s’occupe peu de ces débats : quand l’objet discuté lui déplaît, comme dans la question des majorats, il s’arrange de manière à le faire modifier ou rejeter absolument par la chambre des pairs. Ai-je besoin de dire que l’esprit des deux chambres est tout opposé ? Toutes deux sont ministérielles sans doute, mais la pairie l’est dans un sens tout antipathique à la manière de voir de la chambre des députés. La pairie voit dans le ministère un point d’arrêt contre le mouvement de juillet ; les députés n’ont point en haine ce mouvement, mais ils en ont peur. La chambre haute voudrait une aristocratie, coûte que coûte, avec le trône de juillet comme avec la restauration ; la chambre basse, une démocratie, mais une démocratie toute bénévole, des libertés à l’eau tiède, comme a dit spirituellement un membre du parlement anglais. Le ministère profite de cette différence d’esprit dans les deux chambres ; et quand l’une adopte un principe qui le gêne, il est toujours sûr de le faire rejeter par l’autre.

La seule proposition qui fût vraiment hors de ligne, c’est la réforme électorale, cri impuissant de l’opinion publique qui ne peut même se faire voie dans la chambre des députés. La même demande se renouvelle à chaque session, elle n’obtient pas même les honneurs d’une discussion publique ; elle meurt dans les bureaux, car il faut que deux de ces bureaux soient favorables à la proposition pour que le débat commence. La chambre se montre impitoyable contre la réforme ; c’est dans son esprit : elle est le produit du monopole qui est aujourd’hui comme le principe de nos lois. Il est inconcevable qu’après le mouvement de juillet, nous en soyons encore au principe électoral de la restauration. Certes ce n’est pas se montrer trop exigeant que de demander que toutes les personnes capables de faire partie du jury soient également appelées à l’électorat politique : l’impôt unique est une base mensongère ; l’intelligence est-elle toujours dans l’impôt ? Et s’il y a dans la terre garantie d’ordre, il n’y a pas toujours esprit de progrès. Eh bien ! le croirait-on ? cette proposition si modérée, la chambre des députés n’en permet pas même la discussion en séance publique ; elle a peur des vérités qui s’y feraient entendre, de la popularité que pourrait y gagner l’opposition. Est-ce à dire que la réforme ne triomphera pas ? Je crois, tout au contraire, que l’avenir lui appartient. Pendant trente ans, en Angleterre, les tories ont lutté contre la réforme, est-ce que la réforme ne se développe pas aujourd’hui dans sa plénitude et est-il une puissance humaine capable d’en comprimer les principes