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sa relation, un sentiment de justice nous engage à ne pas la passer sous silence.

« En entrant dans le détroit de Lancastre, je me rappelai naturellement l’époque analogue de mon premier voyage, et me trouvant près de l’endroit où nous nous étions décidés à retourner en arrière, dans la ferme conviction qu’il était impossible de s’avancer plus à l’ouest dans cette direction, je ne pus m’empêcher d’inscrire dans mon journal les réflexions que je transcris en ce moment. — Sir Edward Parry fait observer que le détroit de Lancastre « a acquis une célébrité bien au-delà de celle qui lui eût été accordée sans les opinions contradictoires qui ont été émises à son sujet. » Ce langage est, à tout le moins, quelque peu ambigu, et, à tort ou à raison, quelques personnes, qu’intéressait mon premier voyage, en ont conclu que dans cette expédition, où nous étions employés sir Edward et moi, son opinion avait été différente de la mienne. En tirant de ce passage une telle conclusion, les mêmes personnes ont dû penser naturellement qu’il avait dû me faire part de cette opinion, puisque tel était son devoir en sa qualité d’associé dans l’entreprise, quoique sous mes ordres, d’où elles auront encore conclu qu’en agissant comme je l’ai fait, je me suis mis en opposition avec son avis ouvertement déclaré.

« S’il en est ainsi, il faut que ces personnes soient détrompées, car cet officier ne me fit connaître à cette époque aucune opinion de ce genre, et je suis obligé d’en conclure qu’il n’en avait point de semblable. Il ne pouvait croire qu’il y eût un passage dans le détroit de Lancastre sans me le déclarer aussitôt ; autrement ce serait le supposer capable de se manquer à lui-même de la manière la plus grave, comme officier, que de croire qu’il a pu cacher rien de ce qui concernait l’entreprise dont nous étions chargés tous deux, et surtout une opinion que sa haute importance l’obligeait d’autant plus impérieusement à me faire connaître. Je dis plus, il n’est pas un officier de l’expédition qui, en disant aujourd’hui que son opinion différait alors de la mienne, ne soit également coupable, car c’était leur devoir à tous de me déclarer tout ce qui pouvait concourir à la réussite du voyage.

« Il est possible que, même aujourd’hui, je ne réussisse pas à détruire les conclusions dont je viens de parler, car il est dans la nature de l’esprit humain de s’attacher aux jugemens qu’il a formés, et qui, pendant longtemps, n’ont point trouvé de contradicteurs ; mais ici, sur le lieu même où chaque souvenir se réveille comme s’il n’était que d’hier, j’affirme de nouveau, avec une assurance entière, qu’aucun officier n’exprima la plus légère croyance qu’il y eût un passage dans ce détroit, ni ne dit rien qui pût faire seulement soupçonner qu’il eût cette idée ; bien plus, je dus