Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
ANDRÉ.

lui, et, se levant, elle essaya d’en approcher malgré les menaces du marquis.

— Jour de Dieu ! maudite créature, s’écria-t-il en se mettant devant elle, si tu fais un pas de plus, je te jette dehors à coups de fouet !

— Que Dieu me punisse si vous y touchez seulement avec une plume ! dit Joseph en se jetant entre eux deux.

Le marquis recula de surprise.

— Comment, Joseph ! dit-il, tu prends le parti de cette vagabonde ? Ne trouvais-tu pas que j’avais raison de la détester et d’empêcher André…

— C’est possible, interrompit Joseph, mais je ne peux pas entendre parler à une femme comme vous le faites ; sacredieu, monsieur de Morand, vous ne devriez pas apprendre cela de moi.

— J’aime bien que tu me donnes des leçons ! repris le marquis. Allons ! emmène-la à tous les diables, et que je ne la revoie jamais !

— Geneviève, dit Joseph en offrant son bras à la jeune fille, venez avec moi, je vous prie ; ne vous exposez pas à de nouvelles injures.

— Ne me défendrez-vous pas contre lui ? répondit Geneviève, refusant avec force de se laisser emmener. Ne lui direz-vous pas que je ne suis ni une misérable, ni une effrontée ? Dites-lui, Joseph, dites-lui que je suis une honnête fille, que je suis Geneviève la fleuriste, qu’il a reçue une fois dans sa maison avec bonté. Dites-lui que je ne peux ni ne veux faire du mal à personne, que j’aime André et que j’en suis aimée, mais que je suis incapable de lui donner un mauvais conseil… Monsieur le marquis… demandez à M. Joseph Marteau si je suis ce que vous croyez ; laissez-moi approcher du lit d’André ; si vous craignez que ma vue ne lui fasse du mal, je me cacherai derrière son rideau, mais laissez-moi le voir pour la dernière fois… après, vous me chasserez si vous voulez, mais laissez-moi le voir… vous n’êtes pas un méchant homme, vous n’êtes pas mon ennemi ; que vous ai-je fait ? Vous ne pouvez pas maltraiter une femme ; accordez-moi ce que je vous demande.