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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

phiques qui pouvaient nous tirer d’embarras, et nous mettre à même de continuer notre route.

« 10 janvier. — Après le service divin qui eut lieu beaucoup plus tôt que de coutume, nous nous mîmes en mesure de remplir notre promesse de la veille, quoique le thermomètre fût tombé à 37° au-dessous de zéro. Nous trouvâmes les naturels au lieu indiqué, et à notre approche, l’un d’eux, qui paraissait être un guide ou un chef, fit une centaine de pas à notre rencontre en ouvrant les bras pour montrer qu’il était désarmé. Nous jetâmes alors nos fusils, sur quoi tout le reste de la troupe lança ses armes en l’air, comme la première fois, et attendit notre arrivée en poussant les cris accoutumés. Leur nombre s’était accru d’environ vingt enfans, et nous les abordâmes avec les formalités d’usage.

« Nous découvrîmes bientôt le village, qui consistait en douze huttes de neige bâties au fond d’une petite crique sur le rivage, à deux milles et demi de distance du navire. Ces huttes avaient la forme de calottes renversées, et étaient disposées sans régularité ; chacune d’elles était munie extérieurement d’un long conduit tortueux servant de passage, à l’entrée duquel se tenaient les femmes avec les jeunes filles et les petits enfans. Nous avions apporté des verroteries et des aiguilles que nous leur distribuâmes, ce qui fit disparaître aussitôt la réserve et la timidité qu’elles avaient montrées en nous voyant.

« Le passage, toujours long et en général tortueux, conduisait dans la pièce principale dont la forme était celle d’un demi-cercle de dix pieds de diamètre, quand elle ne contenait qu’une seule famille, et d’un ovale de quinze pieds sur dix, quand elle était destinée à en loger deux. En face de l’entrée était un banc de neige, occupant environ un tiers de la largeur de l’aire, élevé de deux pieds et demi, uni en dessus et recouvert de diverses espèces de peaux. Ce banc servait de lit ou de lieu de repos pour tous les habitans de la hutte. La maîtresse de la maison était assise à l’une des extrémités, en face de la lampe, où brûlait, suivant l’usage universel dans ces régions, de la mousse imbibée d’huile, qui donnait assez de flamme pour éclairer et chauffer à la fois de sorte que la pièce était parfaitement confortable. Au-dessus de la lampe était placé le chaudron de pierre contenant de la chair de daim et de phoque nageant dans de l’huile. Ces deux sortes de provisions paraissaient ne pas leur manquer. Tout le reste, vêtemens, ustensiles, vivres, gisait pêle-mêle dans une confusion inexprimable, et montrait que l’ordre du moins ne figurait pas parmi les vertus de cette peuplade.

« Au milieu de ce désordre, nous fîmes la découverte intéressante de quelques saumons frais ; puisque les naturels pouvaient s’en procurer, rien