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La Prusse n’a pas encore pris toute la Silésie : elle médite d’envahir la Saxe et de pousser l’aigle noire jusqu’aux confins de la Bohême : elle enveloppe l’Allemagne dans son système de douanes et exclut l’Autriche de la solidarité des intérêts germaniques. Vienne, par représailles, cherche assiduement à compromettre Berlin dans de communes entreprises contre la liberté de l’Allemagne. Ces inimitiés secrètes éclateront un jour par de vives ruptures.

L’Autriche blesse la France par l’inique détention de l’Italie qui doit un jour dans Rome relever son indépendance et sa liberté. Que les Français et les trois couleurs paraissent sur la cime des Alpes, les vallées italiques retentiront d’un cri d’allégresse et de bataille qui pourra faire sourire Napoléon dans sa tombe. Italie, n’accuse pas la France ; si tu ne l’as pas encore vue descendre, c’est qu’à la façon des héros, elle dort avant de combattre.

Enfin, l’Autriche a devant elle le génie même du siècle : elle en est troublée, elle se compare, elle a peur. Cet esprit d’innovation et de liberté l’alarme et la confond, elle se voit sans idées, sans alliances naturelles, sans unité, sans avenir, sans ces fidélités de peuples qui peuvent désespérer la trahison et la fortune ; voilà pourquoi elle embrasse le repos et l’immobilité avec fureur et désespoir ; voilà la raison de sa politique ; voilà aussi la cause du pieux et tendre respect dont elle entoure son vieil empereur, le bon François (guter Franz), qu’elle aime pour sa simplicité, pour sa longue vie traversée par tant d’épreuves, et couronnée par des prospérités qui ne lui survivront pas. Le xixe siècle sera fatal à la monarchie autrichienne[1].

    système de sa cour, il le présenta comme un chef-d’œuvre de politique dont il était l’auteur ; il insista ensuite sur la nécessité de s’opposer aux vues ambitieuses de la Russie, et déclara que jamais l’impératrice-reine ne souffrirait que les armées russes passassent le Danube, ni que la cour de Pétersbourg fit des acquisitions qui la rendissent voisine de la Hongrie. Il ajouta que l’union de la Prusse et de l’Autriche était l’unique barrière que l’on pût opposer à ce torrent débordé qui menaçait d’inonder toute l’Europe. » Frédéric. — Mémoires de 1763 jusqu’à 1775. — Chap. ier, pag. 47-48. — Édition de Berlin. — 1788.

  1. La mort de l’empereur François ouvre la série de vicissitudes que doit éprouver dans notre siècle la monarchie autrichienne.