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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

a-t-elle droit de se plaindre ou de se vanter ? En posant cette question, je ne veux pas substituer à l’impartiale discussion des idées un sentiment étourdi de patriotisme ; non, je suis venu voir, et j’essaie de résumer l’ensemble de mes impressions : voilà tout. Eh bien ! je le dis hardiment, dans la bouche de la France la plainte serait impardonnable.

Wilkie, Landseer, Turner et Stanfield sont des artistes éminens, des talens ingénieux, exercés, des hommes d’une remarquable habileté, sûrs d’eux-mêmes et de leur volonté, dont la main ne trompe jamais la pensée ; mais leur pensée s’élève-t-elle bien haut ? Lewis, Cattermole et Copley Fielding savent choisir admirablement et traduire avec une exquise finesse le sujet de leurs études ; mais le cercle de leurs travaux est-il bien large et bien varié ? Shee et Morton sont d’une médiocrité officielle. Le savoir et la persévérance de Pickersgill ne feront jamais de lui un grand peintre.

Dans la statuaire, Baily, Westmacott et Wyatt suffiraient-ils à fonder la gloire d’un pays ? Faut-il chercher dans un buste de Rollins les élémens d’une conjecture glorieuse ? Un seul homme répond pour l’Angleterre, c’est Chantrey. La statue de James Watt, placée dans Westminster-Abbey, est un grand et bel ouvrage. Pitt et Canning n’ont pas rencontré dans le ciseau de Chantrey un interprète aussi heureux ; mais il y a dans la seule tête de Watt plus de vraie sculpture que dans tous les tombeaux de Westminster-Abbey, si pompeusement admirés. Pour cette seule tête, je donnerais de grand cœur toutes les œuvres de Roubilliac et de Schecmakers.

À ces noms que je viens d’écrire la France ne peut-elle rien opposer ? N’avons-nous pas parmi nous des intelligences aussi actives, et des mains aussi heureuses ? Dans l’histoire, le portrait, le paysage ou la statuaire, les hommes nous manquent-ils ? Ici, je le sens, j’ai plaisir à proclamer la supériorité de la France. Quand les voyages ne serviraient qu’à juger la patrie avec moins de colère et de sévérité, il faudrait encore les conseiller à tous les esprits sérieux comme une épreuve salutaire. À Paris, dans les salles du Louvre, en présence des milliers de toiles sans nom suspendues au-devant des Raphaël, des Rubens et des Van-Dyck, la raillerie et le dédain ne se reposent pas. Faites cent lieues seulement, entrez