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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/741

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LA NUIT DE MAI.

Et le bleu Titarèse, et le golfe d’argent
Qui montre dans ses eaux où le cigne se mire,
La blanche Oloossone à la blanche Camyre.
Dis-moi, quel songe d’or nos chants vont-ils bercer ?
D’où vont venir les pleurs que nous allons verser ?
Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière,
Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet,
Secouait des lilas dans sa robe légère,
Et te contait tout bas les amours qu’il rêvait ?
Chanterons-nous l’espoir, la tristesse ou la joie ?
Tremperons-nous de sang les bataillons d’acier ?
Suspendrons-nous l’amant sur l’échelle de soie ?
Jetterons-nous au vent l’écume du coursier ?
Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre
De la maison céleste, allume nuit et jour
L’huile sainte de vie et d’éternel amour ?
Crierons-nous à Tarquin : « Il est temps, voici l’ombre ? »
Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ?
Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ?
Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ?
Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ?
La biche le regarde ; elle pleure et supplie.
Sa bruyère l’attend ; ses faons sont nouveau-nés ;
Il se baisse, il l’égorge ; il jette à la curée
Sur les chiens en sueur son cœur encor vivant.
Peindrons-nous une vierge, à la joue empourprée,
S’en allant à la messe, un page la suivant.
Et d’un regard distrait, à côté de sa mère,
Sur sa lèvre entr’ouverte oubliant sa prière ?
Elle écoute en tremblant dans l’écho du pilier
Résonner l’éperon d’un hardi cavalier.
Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France
De monter tout armés aux créneaux de leurs tours.
Et de ressusciter la naïve romance
Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ?
Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ?
L’homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie,