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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/149

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PORTRAITS DE ROME.

et de goût pourraient même offrir l’exemple de singulières distractions dans l’appréciation des monumens romains.

Que le rival un peu prosaïque de Parny, Bertin, aille


…… Respirer la poussière humide
Des cascades de Tivoli ;


à la bonne heure ; là il est dans un monde fait pour son imagination, monde qu’il peut sentir et chanter ; mais que vient faire l’érotique chevalier dans le Panthéon ? Ici il est dépaysé, perdu, il n’a rien à dire, mais il veut dire quelque chose ; alors il gonfle sa voix et salue


……Ce beau Panthéon,
Où semble errer encor l’ombre d’un peuple libre.


Le souvenir du peuple libre ne pouvait manquer d’être évoqué à Rome, quand ce n’eût été que par égard pour le Tibre et la rime ; mais où ce souvenir pouvait-il être plus déplacé qu’au Panthéon ? Le Panthéon est loin de rappeler des idées républicaines ; construit par Agrippa en l’honneur d’Auguste, celui-ci, par modestie prudente, en refuse la dédicace. Ce beau monument ne retrace donc à la mémoire que l’hommage servile d’une adulation trop humble pour être acceptée. Certes, je ne sais où l’on pourrait, à Rome, rencontrer l’ombre du peuple libre, car les ruines sont presque toutes du temps des empereurs ;… peut-être au forum, mais certainement pas plus sous le dôme du Panthéon, que parmi les décombres du palais de Néron, ou des Thermes de Caracalla.

Le xviiie siècle n’a été nulle part, en Europe, le siècle de l’art ; en ceci comme en plusieurs autres choses, son devancier en réforme, le xvie siècle, lui fut bien supérieur. Goëthe est peut-être le seul grand écrivain de cette époque, à laquelle la première moitié de sa vie appartient, qui ait eu un vif sentiment de l’art antique et de l’art moderne. Goëthe, à cet égard, est sous l’impression immédiate de Winkelmann. Winkelmann, qui s’est trompé mille fois dans le détail, a eu l’immense mérite de relever l’autel du beau, dans un siècle qui vit tomber tant d’autels. Cet Allemand, transplanté en Italie, fit d’incroyables efforts pour devenir Italien à force d’imagination, Grec à force de science, sans y réussir jamais complètement ; il