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ne se séparait que s’il était tiré par une passion plus forte, du reste ayant perfectionné l’art de refuser avec politesse, et de payer les gens en flatteries. Érasme lui demandait de l’argent, peut-être son dû, car je lis quelque part que Colet lui commandait de petits ouvrages pour sa classe[1] : « Les plaintes que vous faites de votre fortune, répond Colet, ne sont pas d’un homme courageux. Je ne doute pas que vos commentaires sur les saintes Écritures ne vous rapportent beaucoup d’argent, pourvu que vous ayez espoir en Dieu ; c’est lui qui viendra le premier à votre aide et qui poussera les autres à vous soutenir dans une si sainte entreprise. J’admire que vous me proclamiez heureux ! si c’est de ma fortune que vous l’entendez, ma fortune est nulle, ou si petite, qu’elle peut à peine suffire à mes dépenses. Ah ! je me croirais vraiment heureux, si, même dans la dernière pauvreté, je possédais la millième partie de votre science ! »

C’était Louis Vivès, de Valence, polyglotte, encyclopédiste, déclamant dans le style de Cicéron et de Sénèque, d’une science prodigieuse, d’une modestie sincère, disant à Érasme qui avait pris mille détours pour adoucir la sévérité d’une critique : « Vous voulez être si plein de ménagemens avec vos disciples et vos amis, que vous leur en faites du chagrin ; car ils pensent que vous les traitez ou en inconnus ou en égaux. Comment Vivès n’a-t-il pas pu vous persuader encore, par tant de paroles et d’actions, que vous ne sauriez lui faire de peine ? »

Vivès se plaignait beaucoup des libraires, « gens qui mesurent et pèsent nos noms, disait-il, d’après leurs profits, » ce qui n’a pas cessé d’être vrai ; il en dénonce un, d’Anvers, qui, pour éviter certain règlement de compte, n’est jamais chez lui quand Vivès y va. On a vu mieux que cela dans notre temps.

C’étaient encore, en divers pays de la république littéraire et chrétienne, Alciat, la lumière du droit, l’un des premiers qui pensèrent à rattacher l’étude des lois à celle de l’histoire, et à éclairer l’une par l’autre ; — Bilibald Pirkhemeir, homme de guerre et philologue, qui s’occupait à la fois de recueillir des notes pour l’histoire de l’Allemagne, d’éditer la cosmographie de Ptolémée,

  1. Lettre 107 A. B.