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sens et d’esprit comme M. Henry Lytton Bulwer ait débuté dans les lettres par une gaucherie nationale si vulgaire.

M. Hume n’a rien de bien particulier qui distingue son extérieur ; c’est une bonne, simple et épaisse tournure de bourgeois indépendant et sans façon. Son air seul, n’étaient ses discours, exprimerait une invincible aversion pour les habits de cérémonie. Son apparence ne dément pas son caractère. Vous ne vous l’étiez pas autrement imaginé. Son débit a l’aisance, la fermeté et la rudesse de ses opinions. L’un des doyens du radicalisme, réformiste inexorable et incorruptible, il a juré de ne siéger jamais que sur les bancs de l’opposition ; c’est par fidélité à son serment, ce n’est nullement par sympathie, vous le pensez bien, qu’il a sa place maintenant dans les rangs des conservateurs.

Sir Francis Burdett diffère de M. Hume par la mise, la taille et la figure, autant que par la consistance. Représentez-vous un long personnage, d’environ cinq pieds dix pouces, en culottes de velours blanc à côtes, en bottines à revers et en frac bleu. Un gilet blanc, une cravate blanche, une petite tête chauve aplatie et poudrée, compléteront le portrait. Singulière destinée que celle des hommes publics, quand ils vivent trop long-temps ! Sir Francis Burdett était pourtant, il y a dix années, aussi à la mode que sa toilette. Il était le favori de Westminster, l’orateur populaire des communes. Il se faisait enfermer à la Tour pour avoir trop osé en paroles contre la royauté. Maintenant il est suspect au pays ; on le soupçonne de voter avec le torisme. On le dédaigne, on l’accuse de versatilité. — « Mais c’est vous tous qui avez changé, dit-il peut-être. Réformistes d’autrefois, vous êtes devenus radicaux ! tories de mon temps, vous êtes réformistes aujourd’hui ! Moi, j’ai gardé mes opinions et mon costume ! — » Eh bien ! c’est un tort à vous, sir Francis Burdett ; il fallait vous transformer aussi, ou bien ne pas vieillir. Si vous étiez mort à propos, peut-être auriez-vous, à l’heure qu’il est, votre statue de bronze près de celle de Canning, sur la place de Westminster. Mais qui sait si demain ce peuple qui vous portait jadis en triomphe ne galonnera pas votre culotte blanche avec la boue de la rue du parlement ?

Enfin la discussion s’épuisa touchant les eaux de Mary-la-Bonne. La chambre ayant à voter sur ce bill maussade, la tribune des journalistes et celles du public furent évacuées. C’est l’usage du parlement ; ses divisions[1] n’ont invariablement lieu qu’à huis clos.

  1. Le vote général de la chambre, parce qu’il s’opère par la division des membres.