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LA QUENOUILLE DE BARBERINE.

ULRIC.

Ha, ha ! je comprends qui tu es ; oui, sur mon ame, un honnête sorcier. Eh bien ! que voit-on dans ta glace ?

POLACCO.

Qui verra saura, qui verra saura.

ULRIC.

Vraiment ? je crois donc te comprendre encore. Si je ne me trompe, ce miroir doit montrer les absens ; j’en ai vu parfois qu’on donnait pour tels ; plusieurs de mes amis en portent à l’armée.

ROSEMBERG.

Pardieu, seigneur Ulric, voilà une offre qui vient à propos. Vous qui avez une femme jeune et belle, au fond de la Bohême, ce miroir est fait pour vous. Et dites-moi, brave Polacco, y voit-on seulement les gens ? n’y voit-on pas ce qu’ils font en même temps ?

POLACCO.

Le blanc est blanc, le jaune est de l’or, l’or est au diable, le blanc est aux vierges.

ROSEMBERG.

Voyez ! cela n’a-t-il pas trait à la fidélité des femmes ? Oui, gageons que les objets paraissent blancs dans cette glace, si la femme est fidèle, et jaunes, si elle ne l’est pas. C’est ainsi que j’explique ces paroles : l’or est au diable, le blanc est aux vierges.

ULRIC.

Éloignez-vous, mon bon ami. Ni ce seigneur ni moi n’avons besoin de vos services. Il est garçon, et je ne suis pas superstitieux.

ROSEMBERG.

Non, sur ma vie ! Seigneur Ulric, puisque vous êtes mon allié, je veux faire cela pour vous. J’achète moi-même ce miroir, et nous y regarderons tout-à-l’heure si votre femme cause avec son voisin.

ULRIC.

Éloignez-vous, vieillard, je vous en prie.

ROSEMBERG.

Non ! non ! il ne partira pas que nous n’ayons fait cette épreuve. En vérité, je veux savoir qui a raison de vous ou de moi.

ULRIC.

Enfant, tu insultes une femme que tu ne connais pas.

ROSEMBERG.

C’est parce que j’en connais d’autres.