Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/346

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
338
REVUE DES DEUX MONDES.

les nuits ; la peste soit de la gageure ! Oh ! les hommes ! quand l’amour propre les tient une bonne fois !

(Il frappe à une porte. Entre Polacco.)
POLACCO.

Je baise vos mains, mon cher seigneur, je baise vos mains pour l’amour de Dieu.

ULRIC.

Dis-moi, brave Polacco, possèdes-tu encore certain miroir que tu me fis voir un jour dans le jardin de la reine ? Il y a quelque temps de cela.

POLACCO.

Hé ! hé ! chacun son heure ; tout vient à point, et Dieu est Dieu.

ULRIC.

Je désire savoir si tu possèdes encore ce miroir.

POLACCO.

Qui refuse muse, qui muse refuse.

ULRIC.

Si tu l’as encore, dis-le-moi ; je viens l’acheter.

POLACCO.

Hé ! hé ! qui perd le temps, le temps le gagne ; qui perd le temps…

ULRIC.

Doutes-tu de moi ? Tiens, voilà ma bourse ; qu’on ne nous voie pas plus long-temps ensemble.

POLACCO, prenant la bourse.

Bien dit, bien dit, mon cher seigneur ; les murs ont des yeux ; que Dieu conserve la police ! les gens de police sont d’honnêtes gens.

(Il tire le miroir de sa poche.)
ULRIC, prenant le miroir.

Maintenant, tu vas m’expliquer les effets magiques de cette petite glace.

POLACCO.

Seigneur, en fixant vos yeux avec attention sur ce miroir, vous verrez un léger brouillard, qui se dissipe peu à peu. Si l’attention redouble, une forme vague et incertaine commence bientôt à en sortir. L’attention redoublant encore, la forme devient claire ; elle vous montre le portrait de la persorme absente à laquelle vous avez pensé en prenant la glace. Si cette personne est une femme, et qu’elle vous soit fidèle, la figure est blanche et presque pâle ; elle vous sourit faiblement. Si la personne est seulement tentée et qu’elle hésite à rester chaste, la figure