Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/352

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
344
REVUE DES DEUX MONDES.

tour est sans doute habitée par un gardien ; je vois dans ce coin une quenouille et un rouet. On marche encore ; on vient ici.

Ô fortune ! tu es la reine du monde. Ô hasard ! ô providence ! qui m’avez pris pour favori ! il me semble que je respire un autre air que le reste des hommes. C’est Barberine, je reconnais son pas. Silence ! il ne faut pas ici nous donner l’air d’un écolier. Je veux composer mon visage ; celui à qui de pareilles choses arrivent n’en doit pas paraître étonné.

(Un guichet s’ouvre dans la muraille.)
BARBERINE, en dehors, parlant par le guichet.

Seigneur Rosemberg, comme vous n’êtes venu ici que pour commettre un vol, le plus odieux et le plus digne de châtiment, le vol de l’honneur d’une femme, et comme il est juste que la pénitence soit proportionnée au crime, vous êtes emprisonné comme un voleur. Il ne vous sera fait aucun mal, et les gens de votre suite continueront à être bien traités. Si vous voulez boire et manger, vous n’avez d’autre moyen que de faire comme les vieilles femmes qui gagnent leur vie en prison, c’est-à-dire de filer. Vous trouverez une quenouille et un rouet tout préparés dans cette chambre, et vous pouvez avoir l’assurance que l’ordinaire de vos repas sera scrupuleusement augmenté ou diminué selon la quantité de fil que vous filerez.

(Elle ferme le guichet.)
ROSEMBERG.

Est-ce que je rêve ? Holà ! Barberine ! holà ! Jean ! holà ! Albert ! Qu’est-ce cela signifie ? La porte est comme murée ; on l’a fermée avec des barres de fer. La fenêtre est grillée, et le guichet n’est pas plus grand que mon bonnet. Holà ! quelqu’un ! ouvrez, ouvrez, ouvrez, c’est moi, Rosemberg ; je suis enfermé ici ; ouvrez ; qui vient m’ouvrir ? Y a-t-il là quelqu’un ? Je prie qu’on m’ouvre, s’il vous plaît. Hé ! le gardien, êtes-vous là ? Ouvrez-moi, monsieur, je vous prie. Je veux faire signe par la croisée. Hé ! compagnon, venez m’ouvrir ; il ne m’entend pas ; ouvrir, ouvrir, je suis enfermé. Cette chambre est au troisième étage. Mais qu’est-ce donc ? on ne m’ouvrira pas !

BARBERINE, ouvrant le guichet.

Seigneur, ces cris ne servent de rien. Il commence à se faire tard ; si vous voulez souper, il est temps de vous mettre à filer.

(Elle ferme le guichet.)
ROSEMBERG.

Hé ! bon ! c’est une plaisanterie. L’espiègle veut me piquer au jeu par ce joyeux tour de malice. On m’ouvrira dans un quart d’heure ; je suis bien sot de m’inquiéter. Oui, sans doute, ce n’est qu’un jeu ; mais