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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/452

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REVUE DES DEUX MONDES.

des figures d’animaux et par des villageois de la Frise et de la Zélande aux pittoresques costumes. Sa couleur est jolie, mais il manque généralement de modelé.

Geernaert[1] est un artiste belge qui fait sa résidence à Gand, mais dont presque tous les tableaux sont commandés et achetés en Hollande. Geernaert peint, comme Braackeler d’Anvers, des sujets d’intérieur dans le style des anciens maîtres flamands et hollandais ; il affectionne particulièrement la manière de Brauwer et de Jean Steen. Plusieurs de ses compositions sont charmantes d’abandon et de naïveté. Deux tableaux, entachés d’orangisme, qu’il eut le malheur de peindre après les évènemens de 1830, lui ont valu les persécutions de la police belge. Je fis route avec lui d’Anvers à Bréda ; le pauvre homme exportait quelques-unes de ses dernières compositions qu’il allait vendre à Rotterdam ; on les lui arrêta à la frontière, et force lui fut de les laisser retourner à Ostende pour être embarquées de là jusqu’au premier port hollandais. Ce sont de ces petites vengeances de police basses et de mauvais goût, dont la France fournit, malheureusement, sous tous les régimes, les plus nombreux exemples. Il est probable que ces misérables tracasseries se pratiquent à l’insu des ministres, par des subalternes trop zélés. Le roi Léopold, le protecteur éclairé et la providence des arts de son pays, eût certainement blâmé tout haut cette avanie sans prétexte et sans but, si de tels détails pouvaient aller jusqu’à lui. Après tout, l’auteur de ces deux fameux tableaux de la révolution belge est bien assez puni de sa faute, puisque le gouvernement hollandais ne les lui a pas même achetés.

Ou je me trompe fort, ou le spirituel peintre gantois a renoncé pour toujours à faire de la satire en peinture. Il est à souhaiter que le gouvernement belge ne proscrive plus ses innocentes esquisses, et qu’il encourage même un homme honnête et distingué qui vit de son pinceau, et qui honore sa patrie par ses talens. Acheter dorénavant les tableaux de Geernaert, au lieu de les mettre à l’index, serait à la fois, ce nous semble, une bonne action et une bonne affaire.

J’ai maintenant épuisé la liste des peintres les plus remarquables

  1. Prononcez Guernart.