Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
506
REVUE DES DEUX MONDES.

nistère de M. de Villèle, obligé de céder devant cette nouvelle expression de l’opinion publique.

Le ministère de M. de Martignac fit des concessions à la presse ; les procès de tendance dont le ministère Villèle avait tant abusé furent abandonnés. Les journaux vécurent dès-lors pleins de force, et luttèrent corps à corps avec le ministère Polignac. La crise fut telle, que tout le monde put en prévoir la solution. Enfin, le 26 juillet arriva. D’un seul trait de plume, et à la suite d’un rapport de M. de Chantelauze, beau comme l’exposé des motifs de M. de Broglie, tous les journaux furent soumis à une nouvelle autorisation.

Une révolution terrible répondit à ces brutales injonctions. Les journaux donnèrent alors l’exemple d’une modération et d’un calme remarquables. Qui empêcha le peuple de juillet de se livrer à des excès ? qui imprima cette unité de vues au milieu des masses insubordonnées, et puisqu’il faut le dire, qui proclama haut la nécessité du trône de Louis-Philippe ? Ce fut la presse. Pendant ces jours d’émotion populaire, la France n’eut pas d’autre gouvernement que celui des journaux : les journaux comprimèrent l’émeute et secondèrent l’administration.

En échange que de gratitude dans les corps politiques ! la royauté nouvelle disait : Plus de procès à la presse ! et la chambre des députés répondait : Plus de censure ! Cinq ans après, plus de trois cents procès avaient été faits aux journaux, on portait les amendes jusqu’au maximum de deux cent mille francs, et une forteresse au bout du monde est le monument qu’on s’apprête à élever à la presse qui a donné l’élan à la révolution de juillet, et qui a toujours réprimé ou prévenu ses excès !


ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. — L’ÎLE DES PIRATES.

Ce n’est qu’à Amalfi, dans une petite ruelle infecte, comme le sont toutes les strade de cette ville, sous une porte décorée de grands pots de réséda et de géranium d’Italie, que j’ai rencontré, en 1832, un véritable auteur de libretti, un signor poeta ; il avait nom Renati. Cet homme écrivait tour à tour pour le théâtre Saint-Charles et le petit théâtre San Carlino. Il n’avait pas de bas, mais il portait au doigt une bague magnifique du roi de Naples. Renati ne s’embarrassait guère du paysage admirable que présente le golfe de Mas’Aniel jusqu’aux grandes roches d’Arenella ; il n’accordait, je dois l’avouer, qu’une médiocre attention à cette chaude nature si digne de Salvator, à sa ville pâteuse comme un premier plan d’Eugène Isabey, ville de poutres sales et de balcons ornés de tapis rouges ! Renati faisait alors un joli livret intitulé Rosina, pour le théâtre Valle de Rome, où il espérait bien le porter lui-même. Il me parla, tout le temps de ma visite qui fut longue, de cette Rosina, qui devait être à son gré une délicieuse héroïne de ballet. Rosina devait tirer l’épée contre un colonel, manger trois pastèques devant le balcon et les stalles, sans que l’indigestion fût à craindre ; elle devait