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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/623

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LA LOI SUR LA PRESSE.


« On bannissait jadis, aux temps de barbarie ;
Si l’exil était pire ou mieux que l’échafaud,
Je ne sais ; mais du moins sur les mers de la vie
On laissait l’exilé devenir matelot.
Cela semblait assez de perdre sa patrie.
Maintenant avec l’homme on bannit le cachot.

« Dieu juste ! nos prisons s’en vont en colonie.
Je ne m’étonne pas qu’on civilise Alger.
Ces pauvres Musulmans ne savaient qu’égorger.
Mais nous, notre Océan porte à Philadelphie
Une rare merveille, une plante inouie,
Que nous ferons germer sur le sol étranger.

« Regardez, regardez, peuples du Nouveau-Monde !
N’apercevez-vous rien sur votre mer profonde ?
Ne vient-il pas à vous, du fond de l’horizon,
Un cétacée informe au triple pavillon ?
Vous ne devinez pas ce qui se meut sur l’onde.
C’est la première fois qu’on lance une prison.

« Enfans de l’Amérique, accourez au rivage !
Venez voir débarquer, superbe et pavoisé,
Un supplice nouveau par la mer baptisé.
Vos monstres quelquefois nous arrivent en cage ;
Venez, c’est notre tour, et que l’homme sauvage
Fixe ses yeux ardens sur l’homme apprivoisé.

« Voyez-vous ces forçats, que de cette machine
On tire deux à deux pour les descendre à bord ?
Les voyez-vous, fiévreux, et le fouet sur l’échine,
Glisser sur leurs boulets dans les sables du port ?
Suivez-les, suivez-les, le monde est en ruine ;
Car le génie humain a fait pis que la mort.