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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

conduirait promptement l’Europe au terme fatal de sa fortune. On ne redoute plus l’invasion des barbares ; mais on sait que les jacobins valent bien les Huns, et que pour se jeter sur nos palais et sur nos temples, ils n’ont pas à traverser les Palus-Méotides.

Il y aurait quelque niaiserie à croire qu’entre les deux écoles qui se partagent aujourd’hui la démocratie française, c’est-à-dire la presque totalité de la nation, il n’y ait réellement qu’une question de royauté constitutionnelle ou de république, c’est-à-dire la différence d’une liste civile de douze millions à un traitement de quatre cent mille francs. Fort heureusement pour la cause monarchique que la dissidence est plus profonde ; elle tient aux bases des doctrines philosophiques beaucoup plus qu’à des théories politiques sur lesquelles les deux partis ne seraient nullement éloignés de s’accorder, si elles étaient seules en cause.

Je ne vois pas trop, en fait de maximes politiques, quelle opposition capitale il y aurait à signaler entre le National et le Constitutionnel. Tous deux ne comprennent-ils pas de la même manière et l’origine de la souveraineté et l’organisation de la société civile, tous deux n’éprouvent-ils pas le même repoussement contre les idées aristocratiques, et ne sont-ils pas en égale méfiance contre le pouvoir ? L’opinion constitutionnelle, aussi bien que l’opinion républicaine, date sa vie politique de l’émancipation révolutionnaire de 89 ; pour ces deux écoles, les antiques maximes sont sans autorité, et l’utilité pratique, constatée par l’assentiment du plus grand nombre, est la seule base et la seule règle du droit. Ajoutons que les mœurs de l’une ne sont pas, au fond, plus monarchiques que celles de l’autre ; elle ne parle qu’en grimaçant la langue royaliste ; et quiconque a tâté le pouls à la bourgeoisie ne peut ignorer qu’elle est aujourd’hui monarchique par peur des républicains beaucoup plus que par sa foi dans l’excellence de la royauté.

Et cependant, malgré des affinités secrètes, qui se révéleraient plus manifestes encore si la sécurité matérielle permettait aux esprits de suivre leur pente, l’opinion bourgeoise s’est mise en guerre contre l’opinion républicaine sa sœur, elle l’a vaincue en avril et en juin ; elle l’a maudite au 28 juillet 1835, et la république ne peut plus aujourd’hui montrer ses insignes au sein de la ville la plus démocratique de l’Europe.

D’où vient cette haine pour les hommes alors qu’on est si près de leurs doctrines, d’où vient qu’un abîme sépare les partisans de la monarchie élective de ceux d’une présidence ? La réponse devient facile.

La classe moyenne ne repousserait pas la république, si elle pouvait n’être qu’une théorie gouvernementale, si elle ne devait consacrer que