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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/672

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REVUE DES DEUX MONDES.

Nulle part, il faut l’avouer, et pour mon compte je déclare que c’est avec regret que je le confesse, ne perce cet esprit d’entreprise et d’association, ce génie indépendant et local, que la protection gouvernementale contient, et qui aspire à s’en débarrasser. Loin de là, il est certains conseils généraux qui voudraient étendre l’action de l’autorité là où, selon les principes de tous les économistes, elle ne pourrait qu’entraver l’essor de l’industrie particulière : il en est un, par exemple, qui, frappé des abus du système d’assurance contre l’incendie, demande sans hésiter que le gouvernement devienne assureur général pour toute la France. Cela n’est guère américain, comme l’on voit.

Je ne renonce pas à penser que cette disposition se modifiera à mesure que le système électif et l’habitude des affaires jetteront de plus profondes racines. Mais que, pour attaquer la législation du pays, on ne change pas une conjecture en certitude : la France n’éprouve aujourd’hui nul repoussement contre le système administratif qui la régit, c’est là un fait plus entêté que tous les principes contraires. Du reste, cette question est trop grave pour n’être touchée qu’en passant : nous y reviendrons.

L’uniformité administrative établie par la Constituante, la hiérarchie rigoureuse consacrée par les constitutions consulaires et impériales, sont certainement, de nos innombrables institutions, celles qui ont le plus pénétré nos mœurs. Il n’est guère de citoyen, à quelque opinion qu’il appartienne, industriel, capitaliste ou propriétaire, qui ne trouve par quelque endroit ses intérêts liés au maintien de cette organisation puissante, et qui n’hésitât beaucoup s’il s’agissait d’en ébranler les bases. L’on a tellement arrangé sa vie en France, que le pouvoir y est devenu nécessaire à tous. Il y doit servir à la fois de protecteur et de plastron.

On conçoit donc que la royauté, par suite d’empiétemens successifs, arrive à ce point de n’être plus que nominale, peut-être même de disparaître un jour, dans un conflit parlementaire, devant une présidence à bon marché. Mais cette révolution, que l’esprit embrasse dans les chances infinies de l’avenir, laisserait entière la question républicaine, telle qu’elle est posée aux États-Unis. Pour avoir à sa tête un président au lieu d’un roi, le pays n’en ferait pas plus ses affaires lui-même. Le protocole des lois serait changé, mais leur esprit resterait invariable. Une révolution modifie l’Almanach Royal, mais n’inspire pas de goûts nouveaux ; le temps seul transforme le génie des peuples ; lui seul est père des révolutions viables et légitimes.

Il est tel peuple chez qui cette situation rendrait une révolution