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gauchement malfaisante ! S’étonnera-t-on maintenant d’entendre le cri unanime des réformistes, retentissant presque dans les feuilles whigs elles-mêmes, demander tout haut et partout « à quoi servent les pairs ? » et s’il ne s’agit pas de les réformer tout d’abord, toute autre réforme cessante ? Est-ce merveille qu’à Birmingham, la semaine passée, l’orateur d’un club populaire propose leur abolition et celle de la royauté tout ensemble, au milieu d’applaudissemens à faire crouler la salle, et que le fait soit admirativement rapporté en pleine chambre des communes ?

Du jour où les bourgs-pourris ont été arrachés de leurs mains, du jour où les communes ont cessé d’être leur instrument, pour devenir la voix et le bras du peuple, les lords ont été mortellement frappés. Il dépendait d’eux qu’on les laissât prolonger leur agonie et mourir paisiblement. Mais ne voilà-t-il pas qu’ils se relèvent en traîtres et s’efforcent de blesser par derrière le généreux ennemi qui avait détourné de leur poitrine le coup de grâce, tandis qu’il leur tenait le pied sur la gorge.

Les insensés ! ils prétendraient entamer une lutte avec les communes ! Mais ne sentent-ils donc pas quelle source de force irrésistible est dans une assemblée qu’alimente éternellement le flot populaire ? Bien que cette chambre élective montre encore de la modération cette année, elle n’est pas sans user de son omnipotence : elle met les altesses royales sur la sellette ; elle ordonne les visites domiciliaires ; elle emprisonne selon son bon plaisir. Que n’osera-t-elle pas lorsqu’une nouvelle élection lui aura versé tout un nouveau torrent radical ? Les lords feraient bien d’y songer. Ils ont mandé long-temps le pays à leur barre ; ce sera le tour du pays bientôt de les mander à la sienne. S’ils ont oublié comment disposait de leurs aïeux le long parlement, les communes pourraient, avant peu, s’en ressouvenir. Ce ne sera plus une seconde chambre timide et respectueuse, ce sera une convention qui siégera quelque matin peut-être à leur porte, et une convention d’autant plus aisément souveraine, qu’elle aura trouvé ses pouvoirs extraordinaires tout établis.


Andrew O’Donnor.
Londres, le 31 août 1835.


(Depuis que cet article nous est parvenu, une transaction a eu lieu entre les deux chambres, et nous attendons de notre collaborateur de Londres un travail qui complétera celui qu’on vient de lire.)