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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

de la Vierge sainte ! — Sois fidèle jusqu’à la dernière heure, ma sœur, et ne tarde pas plus long-temps au milieu des langueurs de ce trou obscur qu’on appelle la terre.

TRIFFINE.

Ange de lumière ! que vous êtes beau ! votre amie a été consolée par votre voix. Je suis à Dieu seul maintenant. Plus de larmes. Justice, presse tes supplices. Je veux souffrir. Oh ! quand arrivera l’heure de la mort ? Oh ! quand verrai-je le reflet de mes yeux dans le brillant de la hache du bourreau.

Mais, pendant que Triffine se résigne ainsi à la mort, l’évêque de Saint-Malo, averti par Dieu, part pour Rennes avec le fils de Triffine et sa nourrice. L’enfant est armé comme un cavalier, il a une épée à la main, des pistolets ; ceux qui le voient passer s’émerveillent en remarquant son regard fier, et ils se découvrent devant lui en disant : Celui-ci est un jeune saint ou un ange déguisé qui va faire quelque miracle.


Là finit la septième journée.


Voici ce qu’on voit dans la huitième et dernière journée.

Tous les juges sont assemblés et le peuple regarde. Triffine entre, ses beaux cheveux épars. Elle s’arrête devant Arthur qui est debout entre ses soldats, pâle comme un fantôme. La pauvre femme tombe à deux genoux devant lui. — Pardon, Arthur, de ne vous avoir pas fait assez heureux ! pardon, Arthur, de n’avoir pas été assez tendre avec vous ! pardon, Arthur, de n’avoir pas été assez douce à votre cœur, de ne vous avoir pas rendu la vie comme un jour de paradis ! Voilà les fautes dont je suis coupable ; voilà l’amende honorable que je vous fais ; je n’ai point commis d’autre crime. Adieu, mon Arthur, je meurs sans colère, car c’est vous qui me tuez ; je meurs sans regret, car vous ne m’aimez plus. Après avoir dit cela d’une voix qui fait pleurer tout le monde, Triffine se lève comme une reine, la tête rejetée en arrière, et elle marche vers l’échafaud. Quand elle est arrivée, deux soldats la prennent et la font monter près du billot.

LE PREMIER SOLDAT.

Agenouillez-vous là, donnez vos deux mains que je les attache avec cette corde.

LE DEUXIÈME SOLDAT.

Il faut couper sa belle chevelure pour pouvoir trancher plus facilement son cou délicat. (À Triffine.) Femme, dites adieu maintenant à la vie et à ceux que vous aimez ; regardez-vous à votre dernière heure. Vous ne vous lèverez plus vivante de la place où vous êtes.