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Il est arrivé une fois à un physicien de prendre pour un aérolithe une pierre lancée sans doute de la rue par-dessus les murs de sa cour. On conçoit que si un homme véritablement instruit n’a pas été à l’abri de cette méprise, bien des gens en pourront commettre de semblables ; mais quand on leur aura prouvé à tous qu’ils ont mal vu, on ne sera pas pour cela fondé à soutenir qu’il ne tombe jamais de pierres du ciel.

Les chutes de pierres ont été plus souvent observées que les pluies de grenouilles, et mentionnées plus anciennement ; cependant ces dernières sont indiquées par divers écrivains grecs et latins. Pline n’en parle pas, il est vrai, ce qui est assez étrange de la part d’un auteur aussi ami du merveilleux, et quand il emploie le mot diopètes, c’est sans y attacher aucun sens d’origine. Comme il ne donne point de descriptions, il semble impossible de savoir au juste quels batraciens il désignait sous ce nom ; mais d’après les propriétés médicales qu’il leur attribue, il y a lieu de croire qu’il entendait parler, dans un cas, du crapaud des joncs, et dans l’autre, de la rainette. Quelques mots suffiront pour faire comprendre comment on arrive à cette déduction.

Lorsqu’on passe en revue les divers spécifiques successivement préconisés, on reconnaît, non sans quelque sentiment de honte, que tandis que les bons sont presque toujours dus au hasard, les mauvais, au contraire, ont en général été proposés par suite de profonds raisonnemens. Beaucoup évidemment l’ont été d’après cette idée que l’homme peut s’approprier les qualités les plus saillantes de certains animaux en faisant usage, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, de quelque partie de leur corps. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore on emploie la graisse ou la moelle d’ours pour faire pousser les cheveux. S’il s’agit au contraire de faire tomber les poils, au lieu d’une bête velue comme l’ours, on doit choisir quelque animal dont la peau soit parfaitement nue. Sous ce rapport, certains batraciens ne laissent rien à désirer, et leur nudité est même passée en proverbe[1]. Aussi dans quelques provinces de France, on recommande de se frotter avec le sang de la rainette pour faire tomber les poils qui croissent entre les sourcils. C’est de même comme épilatoire que Pline propose d’employer le sang des diopètes ; ainsi il est très probable que c’est des rainettes qu’il entend ici parler. Ces animaux ont d’ailleurs été quelquefois désignés sous le nom de dryophytes (naissant sur les

  1. Il n’est pas rare d’entendre des gens du peuple dire à un quelqu’un qu’ils taxent d’étourderie : « Tu n’as pas plus de sens qu’une rainette n’a de poils. » Ce même dicton se trouve aussi parmi les Allemands.