Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
SCIENCES NATURELLES.

hommes fournie par le 5e bataillon du Nord, cantonné à cette époque dans le village de Lalain, département du Nord, près l’abbaye de Flines aux environs du territoire que les Autrichiens avaient inondé pour défendre la ville de Valenciennes, assiégée par les Français. Il faisait très chaud, et durant la matinée, les rayons du soleil avaient fait élever sur les lieux inondés des vapeurs épaisses qui montaient en forme de colonne ; tout à coup vers les trois heures de l’après-midi, il tomba une pluie si abondante, que les cent cinquante hommes de la grand’garde furent obligés, afin de n’être pas submergés, de sortir d’un grand creux où ils s’étaient abrités ; mais quelle fut leur surprise lorsqu’ils virent tomber sur le terrain d’alentour un nombre considérable de crapauds de la grosseur d’une noisette ! Ne pouvant croire qu’ils tombassent avec la pluie, j’étendis à hauteur d’homme mon mouchoir dont je fis maintenir les deux bouts opposés par un de mes camarades ; j’y reçus en peu de temps un nombre assez considérable de crapauds dont plusieurs étaient encore à l’état de têtards.

Durant cette pluie, qui dura une demi-heure, les cent cinquante hommes de la grand’garde sentirent distinctement les chocs multipliés de ces petits crapauds, et plusieurs soldats après l’orage en trouvèrent qui étaient restés dans les replis de leurs chapeaux à cornes. »

La quatrième lettre n’est pas moins concluante.

« L’un des derniers dimanches d’août 1804, après plusieurs semaines de sécheresse et de chaleur, et, à la suite d’une matinée étouffante, un orage éclata vers trois heures de l’après-midi sur le village de Frémar, à quatre lieues d’Amiens. Je me trouvais alors, dit l’auteur de cette lettre (M. Duparcque), avec le curé de la paroisse ; en traversant le clos peu étendu qui sépare l’église du presbytère, nous fûmes inondés ; mais ce qui me surprit, ce fut de recevoir sur ma figure et sur mes vêtemens de petites grenouilles. « Il pleut des crapauds, me dit le vénérable curé qui remarqua mon étonnement, mais ce n’est pas la première fois que je vois cela. » Un grand nombre de ces petits animaux sautaient sur le sol. En arrivant au presbytère, nous trouvâmes le plancher d’une des chambres qui était tout couvert d’eau, la fenêtre du côté d’où venait l’orage étant restée ouverte ; le plancher était formé de briques étroitement scellée entre elles, ainsi les animaux n’avaient pu sortir de dessous terre ; l’appui de la croisée était élevé de deux pieds et demi environ au-dessus du sol, ainsi ils n’avaient pu pénétrer du dehors en sautant. D’ailleurs la chambre était séparée de la pièce d’entrée par une grande salle à manger ayant deux croisées ouvertes, mais dans une direction telle que la pluie n’avait pu y pénétrer ; aussi n’y trouvait-on ni eau ni grenouilles,