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LE CHANDELIER.

LA SERVANTE.

Quand un garçon tourne la tête, allez, madame, il ne faut guère être femme pour ne pas deviner où les yeux s’en vont. Je n’ai que faire de ses confidences, et on ne m’apprendra que ce que j’en sais.

JACQUELINE.

J’ai froid. Allez me chercher un schall, et faites-moi grâce de vos propos.

(La servante sort.)
JACQUELINE, seule.

Si je ne me trompe, c’est le jardinier que j’ai aperçu entre ces arbres. Holà ! Pierre, écoutez.

LE JARDINIER, entrant.

Vous m’avez appelé, madame ?

JACQUELINE.

Oui, entrez là ; demandez un clerc qui s’appelle Fortunio. Qu’il vienne ici ; j’ai à lui parler.

(Le jardinier sort. Un instant après, entre Fortunio.)
FORTUNIO.

Madame, on se trompe sans doute ; on vient de me dire que vous me demandiez.

JACQUELINE.

Asseyez-vous ; on ne se trompe pas. — Vous me voyez, monsieur Fortunio, fort embarrassée, fort en peine. Je ne sais trop comment vous dire ce que j’ai à vous demander, ni pourquoi je m’adresse à vous.

FORTUNIO.

Je ne suis que troisième clerc ; s’il s’agit d’une affaire d’importance, Guillaume, notre premier clerc, est là ; souhaitez-vous que je l’appelle ?

JACQUELINE.

Mais non. Si c’était une affaire, est-ce que je n’ai pas mon mari ?

FORTUNIO.

Puis-je être bon à quelque chose ? Veuillez parler avec confiance. Quoique bien jeune, je mourrais de bon cœur pour vous rendre service.

JACQUELINE.

C’est galamment et vaillamment parler ; et cependant, si je ne me trompe, je ne suis pas connue de vous.

FORTUNIO.

L’étoile qui brille à l’horizon ne connaît pas les yeux qui la regardent ; mais elle est connue du moindre pâtre qui chemine sur le coteau.