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LE CHANDELIER.

elles qu’on aime ? Quoi ! me voilà à genoux devant vous ; mon cœur à chaque battement voudrait s’élancer sur vos lèvres ; ce qui m’a jeté à vos pieds, c’est une douleur qui m’écrase, que je combats depuis deux ans, que je ne peux plus contenir, et vous restez froide et incrédule ? Je ne puis faire passer en vous une étincelle du feu qui me dévore ? Vous niez même ce que je souffre, quand je suis prêt à mourir devant vous ? Ah ! c’est plus cruel qu’un refus ! c’est plus affreux que le mépris ! L’indifférence elle-même peut croire, et je n’ai pas mérité cela.

JACQUELINE.

Debout ! on vient. Je vous crois, je vous aime ; sortez par le petit escalier ; revenez en bas, j’y serai.

(Elle sort.)
FORTUNIO, seul.

Elle m’aime ! Jacqueline m’aime ! elle s’éloigne, elle me quitte ainsi ! Non, je ne puis descendre encore. Silence ! on approche ; quelqu’un l’a arrêtée ; on vient ici. Vite, sortons ! (Il lève la tapisserie.) Ah ! la porte est fermée en dehors, je ne puis sortir ; comment faire ? Si je descends par l’autre côté, je vais rencontrer ceux qui viennent.

CLAVAROCHE, en dehors.

Venez donc, venez donc un peu !

FORTUNIO.

C’est le capitaine qui monte avec elle. Cachons-nous vite, et attendons ; il ne faut pas qu’on me voie ici. (Il se cache dans le fond de l’alcôve.)

(Entrent Clavaroche et Jacqueline.)
CLAVAROCHE, se jetant sur un sopha.

Parbleu, madame, je vous cherchais partout ; que faisiez-vous donc toute seule ?

JACQUELINE, à part.

Dieu soit loué, Fortunio est parti.

CLAVAROCHE.

Vous me laissez dans un tête-à-tête qui n’est vraiment pas supportable. Qu’ai-je à faire avec maître André, je vous prie ? Et justement vous nous laissez ensemble, quand le vin joyeux de l’époux doit me rendre plus précieux l’aimable entretien de la femme.

FORTUNIO, caché.

C’est singulier ; que veut dire ceci ?

JACQUELINE.

J’étais montée pour une emplette. C’est une chaîne qu’on vient de m’apporter.