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DON JUAN D’AUTRICHE.

saisi la nuance qui sépare le comique du grotesque. Quand il voulait être pathétique, et amener cependant le sourire sur les lèvres, la passion s’effaçait tout entière, la comédie n’avait plus d’entrailles, la gaieté ne partait plus du cœur, l’attendrissement était manqué : Samson redevenait le très humble serviteur de Valère.

Mme Volnys, qui débutait dans le rôle de dona Florinde, a continué sur la scène de la rue Richelieu les habitudes du boulevart Bonne-Nouvelle. Elle a été coquette et a manqué de charme ; elle a levé ses grands beaux yeux, et son regard n’a ému personne ; elle a voilé sa voix comme si elle eût tremblé d’amour, et sa parole, malgré cet artifice trop visible, était dure et presque rauque. Elle a enlevé la salle avec deux mots : Je suis juive, et, plus tard, quand elle se débat sous la main libertine de Philippe ii, on viendra, je suis sûre qu’on viendra ; mais elle a détruit par sa pantomime mélodramatique l’impression qu’elle avait produite avec ces deux mots. Il y avait dans son attitude, et même dans son accent, plus de colère encore que de frayeur.

Je ne demande pas à M. Delavigne pourquoi il écrit dona au lieu de doña. Je pousserai même la complaisance et la politesse jusqu’à ne pas le chicaner sur quelques douzaines de solécismes comme celui-ci, par exemple : Réfléchir que ; comme la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie n’est pas encore publiée, les difficultés de cet ordre ne sont pas résolues pour tout le monde. — En fidèle historien, j’ajouterai que la pièce et les acteurs ont été fort applaudis ; le public a pris son plaisir en patience.


Gustave Planche.