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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

mission-là. L’on se plaira un jour à rechercher ce que fût devenue l’Europe, la guerre éclatant après juillet, de même qu’on disserte dans les écoles sur l’avenir que préparait au monde l’invasion des barbares, si le christianisme n’avait vaincu les vainqueurs même.

La guerre était évidemment pour la France la confusion de tous les élémens, le chaos intellectuel et social. Elle brisait l’unité nationale par les résistances qui auraient surgi dans l’ouest et dans quelques parties du midi, sous le drapeau blanc, ailleurs sous le drapeau rouge, à la première hésitation du pouvoir, à la première défaite de ses généraux. Un foyer révolutionnaire s’établissait au centre ; les fédérations bourgeoises s’organisaient derrière les remparts des villes en même temps que la chute des croix faisait dans nos campagnes ce que n’avait pu la chute d’un trône.

Un gouvernement constitutionnel régulier eût trouvé dans l’audace des partis, dans l’action de la presse et dans la misère publique, des résistances chaque jour croissantes à la levée des subsides comme à celle des hommes. Une dictature révolutionnaire eût rencontré d’insurmontables résistances dans les appréhensions et les vivans souvenirs de la France. On était en garde contre la terreur, et dès-lors elle était impossible ; car la terreur, ce cauchemar des nations, ne les envahit pas quand elles veillent. La guerre amenait 93 sans sa force, ses crimes sans la sombre gloire qui les couvre ; c’était l’anarchie incapable d’enfanter le despotisme et se dévorant elle-même sans avenir et sans issue. La guerre était l’interruption subite de cet ordre providentiel qui, depuis cinq siècles, prépare en Europe l’avènement au pouvoir du travail et de l’industrie, au profit de ces classes moyennes dont la suprématie n’échappera pas toujours aux vicissitudes du sort, mais qui dominent en ce moment, comme la féodalité elle-même, par le droit de la force, de la richesse et de l’intelligence.

Si nous considérons la question dans ses rapports avec l’Europe, que voyons-nous ? Une guerre purement révolutionnaire, entreprise sans alliance, sans argent, sans organisation, comme une croisade de Pierre l’Hermite, une guerre éternelle, puisqu’elle ne devait pas se terminer par la solution d’une difficulté politique, mais par la domination d’un principe intellectuel que chacun interprétait à sa guise, depuis les affiliés des Droits de l’Homme jusqu’aux prêtres saint-simoniens. C’était une conception plus gigantesque que celle de Napoléon, transportée dans l’ordre moral.

Ceux qui parlaient de rompre les honteux traités de 1815 pour reprendre nos frontières et rectifier l’équilibre de l’Europe étaient des