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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/343

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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

vinces de l’ouest ? Comme l’Écosse jacobite attendait, pour aiguiser sa claymore, que des voiles françaises parussent à l’horizon, la Vendée et la Bretagne ne s’ébranlèrent jamais sans que le pavillon britannique ne fût en vue de leurs côtes. S’assurer la coopération de l’Angleterre, c’était donc rendre impuissante l’opposition des partis et celle de l’Europe.

Cet intérêt était si grave, qu’on y eût fait sans doute les plus grands sacrifices, mais la fortune de la France ne les a pas rendus nécessaires. Si le parti tory, moins sympathique à la révolution de juillet, s’était maintenu aux affaires et avait fait de l’abandon d’Alger la condition de son alliance et l’appoint de son marché, on peut dire, sans calomnier personne, que la résistance n’eût pas été invincible, et que cette chance avait été pesée. L’ambassadeur partait pour Londres, bien moins avec l’espoir de renverser les tories, que dans l’intention de s’arranger avec eux ; peut-être, dans sa pensée, le duc de Wellington devait-il servir à notre révolution d’appui contre l’Europe, en même temps que de résistance contre elle-même. Un mouvement auquel les sympathies de M. de Talleyrand durent le laisser étranger, porta lord Grey et lord Palmerston à la tête des affaires, et dès-lors l’alliance, sans abandonner le champ pacifique de cet ordre européen que M. de Talleyrand avait contribué à fonder, prit une couleur plus chaude et devint plus étroite. Ce fut alors que les évènemens, en se développant, firent concevoir un beau matin la quadruple alliance, idée qu’on était loin d’entretenir en se rendant à Londres. L’avènement des whigs, peu prévu, peu désiré peut-être, ne fut pas moins un bonheur immense pour la France. Il est hors de doute, en effet, que l’administration précédente, qui n’avait consacré qu’avec hésitation et réserve le principe de la séparation de la Hollande et de la Belgique[1], n’aurait sanctionné ni notre intervention armée en août 1831, ni le siége d’Anvers en 1832 ; et sans ces deux coups de main les affaires belges devenaient inextricables, la France n’en sortait que par la porte de la guerre ou par celle du déshonneur.

Or, il est un principe qui domine les conventions entre états aussi bien qu’entre particuliers, et qui forme à lui seul comme la morale de la politique : c’est qu’un peuple ne peut transiger sur l’honneur, même en face d’un danger imminent, pas plus qu’un individu ne peut s’assurer

  1. On se rappelle le discours de la couronne à l’ouverture du parlement (2 novembre 1830), dont le sens équivoque donna lieu à une orageuse discussion au sein de la chambre des députés.