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La France ne dut évidemment ce succès qu’au concours sympathique du parti whig, qui offrit de seconder l’intervention de son armée par celle d’une flotte anglaise. Jamais, on le répète, ministère tory ne fût sorti à ce point des vieilles traditions nationales de la Grande-Bretagne ; et en voyant lord Grey entreprendre une telle chose sans être renversé, l’on dut se dire qu’en Angleterre tout était changé dans les idées et changerait bientôt dans les choses.

Quoique ce malheur accusât plus les circonstances que son courage, la Belgique, après un tel désastre, n’obtint sans doute qu’à raison des exigences de sa tutrice, ce traité du 15 novembre, qui, s’il trompa chez elle des espérances exagérées, blessa des droits acquis en Hollande. Malgré les supplications et les intrigues de famille, les cabinets ratifièrent tous cet instrument, et peu de mois après, l’armée française descendit le pavillon orange de la citadelle d’Anvers, devant l’armée prussienne au port d’armes. Intervint ensuite la convention du 21 mai 1833, qui donne aux Belges un provisoire plus favorable que l’état définitif. Ce fut ainsi qu’à la vue des conséquences de l’opiniâtreté hollandaise, l’Europe ne sut plus si on devait la qualifier d’entêtement ou de courage.

Dira-t-on que ces résultats sont atténués par la présence à Bruxelles d’un prince pensionnaire du gouvernement britannique ? Argument de gazette dont la réfutation sort du fond même des choses. Qui ne sait que le souverain de la Belgique subira constamment l’influence française, qu’il sera notre allié nécessaire, de fait, sinon de droit, parce que, pressé et menacé par la Hollande, il ne peut vivre que par la France ? Le cabinet de Saint-James a le bon esprit de ne se préoccuper guère des sympathies personnelles du prince qui règne ou pouvait régner à Lisbonne : il sait très bien que le prince du sang de Beauharnais, de Saxe ou de Bragance appartiendra toujours à l’Angleterre, parce qu’il lui faudra vendre ses vins de Porto et se défendre contre l’Espagne.

La France domine en Belgique au même titre que la Grande-Bretagne en Portugal, et il entra autant de vanité que de politique dans le refus de la conférence de ratifier l’élection de M. le duc de Nemours. C’était ôter une couronne à un prince français sans ôter une annexe à la France.

Cette résistance pourtant se conçoit mieux que la neutralité perpétuelle, l’une des niaiseries diplomatiques les mieux étoffées de ce siècle. Prétendre appliquer l’état exceptionnel de la Suisse, contrée agricole et pastorale, ceinte d’inaccessibles remparts, sans communications obligées avec ses voisins, état, d’ailleurs, si peu respecté dans les derniers temps, à la Belgique, pays ouvert et hérissé de places fortes,