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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/35

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LE CAPITAINE RENAUD.

grandeur politique pouvait devenir petite dans ses froides ruses de vanité, ses piéges misérables, et ses noirceurs de roué. Je vis qu’il n’avait rien voulu de son prisonnier, et que c’était une joie tacite qu’il s’était donnée de n’avoir pas faibli dans ce tête-à-tête, et s’étant laissé surprendre à l’émotion de la colère, de faire fléchir le captif sous l’émotion de la fatigue, de la crainte, et de toutes les faiblesses qui amènent un attendrissement inexplicable sur la paupière d’un vieillard. — Il avait voulu avoir le dernier, et sortit, sans ajouter un mot, aussi brusquement qu’il était entré. Je ne vis pas s’il avait salué le Pape, et je ne le crois pas.

CHAPITRE v.
Un homme de mer.

Sitôt que l’Empereur fut sorti de l’appartement, deux ecclésiastiques vinrent auprès du saint-père, et l’emmenèrent en le soutenant sous chaque bras, altéré, ému et tremblant.

Je demeurai, jusqu’à la nuit, dans l’alcôve d’où j’avais écouté cet entretien. Mes idées étaient confondues, et la terreur de cette scène n’était pas ce qui les dominait. J’étais accablé de ce que j’avais vu, et sachant à présent à quels calculs mauvais l’ambition toute personnelle pouvait faire descendre le génie, je haïssais cette passion qui venait de flétrir, sous mes yeux, le plus brillant des dominateurs ; celui qui donnera peut-être son nom au siècle pour l’avoir arrêté dix ans dans sa marche. Je sentis que c’était folie que de se dévouer à un homme, puisque l’autorité despotique ne peut manquer de rendre mauvais nos faibles cœurs ; mais je ne savais à quelle idée me donner désormais. Je vous l’ai dit, j’avais dix-huit ans alors, et je n’avais encore en moi qu’un instinct vague du vrai, du bon et du beau, mais assez obstiné pour m’attacher sans cesse à cette recherche. C’est la seule chose que j’estime en moi.

Je jugeai qu’il était de mon devoir de me taire sur ce que j’avais vu ; mais j’eus bien lieu de croire que l’on s’était aperçu de ma disparition momentanée de la suite de l’Empereur, car voici ce qui m’arriva. Je ne remarquai dans les manières du maître aucun changement à mon égard. Seulement, je passai peu de jours près