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en France pour des délits ou des crimes pareils. Pour prendre quelques exemples, nous trouvons que les nommés Célestin et Casimir, convaincus de vol de nuit, avec effraction, dans un lieu habité, ont été condamnés à une année de chaîne, à l’exposition et à une fustigation ; en France, ils auraient été passibles des travaux forcés à temps. Le nommé Pierre, convaincu de vol avec escalade et à l’aide d’effraction, a été condamné à un mois de chaîne et à une fustigation ; en France, on lui aurait encore appliqué les travaux forcés à temps. Le nommé Lin, convaincu de vol de nuit à l’aide de violences graves, a été condamné à six mois de fer, la marque (elle n’était pas encore abolie), l’exposition et une flagellation ; en France, il aurait subi les travaux forcés à perpétuité. Le nommé Ernest, convaincu de fabrication et émission de fausse monnaie, a été condamné à un an de chaîne, l’exposition au carcan et deux flagellations successives ; en France, d’après le code pénal modifié, il aurait été condamné aux travaux forcés à perpétuité. Enfin, le nommé Jean, convaincu de blessures graves sur une personne de la population libre, a été condamné à deux mois de chaîne, et à un seul coup de fouet ; en France, il aurait subi les travaux forcés à temps. La justice est organisée, dans toutes les colonies françaises, comme à l’île Bourbon ; il y a partout des magistrats qui veillent à la sûreté des personnes et à l’exécution des lois ; et si d’un côté on n’entend parler d’aucun de ces crimes atroces dont la crédulité métropolitaine charge si imprudemment les blancs, de l’autre, la législation à laquelle sont soumis les esclaves est de beaucoup plus douce et plus indulgente que celle qui régit les citoyens français.

La fustigation est encore une chose qu’il ne faut pas juger de première impression. Sans que nous veuillons précisément lui ôter ce qu’elle a de rigoureux, il nous semble qu’elle est considérablement grossie par la perspective. La fustigation est établie dans toutes les colonies ; seulement, chez les Anglais, les coups de fouet se comptent par douzaines, tandis que chez nous ils se comptent par unités. Le nombre de vingt-neuf n’est, en général, jamais dépassé. Certainement, s’il était possible de remplacer le châtiment physique par le châtiment moral, cela vaudrait mieux ; mais quelle prise morale peut-on avoir sur des noirs esclaves qui ne pensent guère, et qui à peine savent parler ? D’ailleurs, les peines physiques étant promptes, sont applicables avec plus de fruit que les peines morales dans de certains cas. Mais il y a, à côté de chaque esclave, quelque chose de bien puissant qui veille incessamment pour lui ; c’est l’intérêt personnel. Quand on supposera, ce qui n’est pas, qu’un planteur est inaccessible à tout sentiment de gé-