Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
389
L’HOSPICE DES ALIÉNÉES À GAND.

qu’au lever du soleil de la vie éternelle. Le cœur, cette chose si tendre, si vulnérable, où le moindre grain jeté au hasard fait germer les passions furieuses, ce cœur n’avait jamais parlé chez la jeune religieuse ; elle l’avait laissé à ses parens, en prenant l’habit, comme un beau vêtement mondain qui n’aurait pas encore été déplié, parmi toutes ses parures de jeune fille, ses robes de fête, ses bijoux, ses cheveux noirs tombés sous le ciseau.

Elle nous fit voir d’abord les différentes parties de l’établissement, les dortoirs, les salles intérieures, la cuisine, l’infirmerie. Toutes ces pièces sont d’une propreté admirable. Dans les dortoirs, les lits sont bons, doux, espacés ; beaucoup de pauvres femmes, qui n’avaient qu’un grabat pendant leur raison, ont trouvé du moins, en la perdant, un lit où elles dorment sans souci du lendemain ; admirable charité que celle qui devance sur la terre les réparations que le christianisme nous promet dans le ciel ! Sous le rapport matériel, cet hospice a toute la beauté, si ce mot n’est pas une amère ironie, que peut comporter un établissement de ce genre. Toutes ces vies qui ont perdu leur boussole y sont soignées comme on ferait de celle des enfans qui n’en ont pas encore. Elles ont de l’air, elles ont du soleil, la liberté des membres, celles du moins dont la folie est inoffensive ; elles ont la nourriture en abondance, et la même que les saintes filles qui la leur préparent et la leur distribuent. Un médecin habile, à la hauteur de la science, qui, en ces sortes de maladies, est surtout la bonté intelligente, vient les visiter chaque jour, épier les lueurs de la raison qui percent chez celles dont le mal est curable, aider ces retours obscurs par un traitement progressif, calmer celles qui sont désespérées, dire de bonnes paroles à toutes, empêcher, mais non pas châtier celles qui font du mal, hélas ! parce qu’elles ne savent pas ce qu’elles font. Elles ont aussi un prêtre, une chapelle particulière, où elles prient, nous disait la sœur, avec beaucoup de dévotion, et où les plus extravagantes se recueillent. Étrange parodie, ou étrange confirmation des paroles de l’Évangile : Heureux les pauvres d’esprit !

J’étais impatient de les voir. La sœur nous fit entrer dans un corridor, au premier, ayant balcon sur une cour, et sur lequel s’ouvrent de jolies cellules blanches, planchéiées, avec un lit et