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INDUSTRIE ET COMMERCE DE LA BRETAGNE.

§ iv.
Commerce des anciens Bretons. — Commerce des chevaux. — Michel-le-Normand et Bervic-le-Breton.

Il y eut un temps où les Celtes armoricains faisaient le commerce de la moitié du monde. Depuis que les noms de Tyr et de Carthage n’étaient plus que deux grandes épitaphes écrites sur des cités mortes, les Celtes de la Petite-Bretagne dominaient l’Océan germanique et sarmatique, la mer de Cronie et la mer Atlantique, tandis que Marseille s’était emparée de la mer intérieure, et régnait, sans partage, sur ce magnifique lac de deux cents lieues. Partout, sur l’Océan, on rencontrait les hauts navires des Venettes, et il était facile de les reconnaître, car les galères d’Italie n’étaient près d’eux que de frêles chaloupes. Ils voguaient sans rames, avec leurs voiles de peau souple, teintes en azur comme les flots, et leurs ancres rattachées à la poupe avec de grosses chaînes. C’étaient eux qui transportaient les laines des Cantabres, l’étain, l’argent et le fer de la Lusitanie, les fourrures de la Scandie et le vin des Îles Fortunées.

Plus tard, Brutus, lieutenant de César, détruisit leur marine dans la bataille navale qui eut lieu entre Carnac et Diarorigum ; mais vers le vie siècle nous la voyons encore reparaître, quoique moins puissante. Elle noue de nouvelles relations avec les peuples du nord de l’Europe, malgré les flottes normandes et les pirates flamands. Jusqu’au xive siècle, son importance se soutint, et c’est alors seulement que les guerres continuelles avec l’Angleterre commencent à ruiner son commerce. Mais il est bientôt protégé par la création d’une marine militaire, et jusqu’en 91 il continua à prospérer. Au moment de la révolution il était encore immense. Malgré la ruine de la compagnie des Indes établie à Lorient, les navires bretons et étrangers remplissaient nos ports. Les lourdes galiotes hollandaises venaient nous demander nos papiers, les felouques espagnoles enlevaient nos beurres et nos toiles, et nos bricks apportaient aux Norwégiens, aux Russes et aux Danois, la cire et le miel recueillis dans nos montagnes ; aux Catalans et aux Portugais, les poissons pêchés sur nos baies. Alors les petites villes du littoral étaient pleines de ces commerçans en bonnet de laine et en sabots qui mangeaient dans l’étain, et dont les coffres-forts regorgeaient de doublons d’Espagne ; race précieuse et perdue, véritables fourmis qui amassaient grain à grain leur amas de blé, et qui, doués de l’esprit médio-