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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/450

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REVUE DES DEUX MONDES.

minée du bon Dieu. Prie qu’il la rende chaude pour le petit pillawer ; et il ajoutera, en lui montrant l’herbe verte : — Voilà le lit des pauvres gens ; prie Dieu qu’il le rende doux pour un enfant des montagnes.

Va, pauvre pillawer ; le chemin du monde est dur sous tes pieds ; mais Jésus-Christ ne juge pas comme les hommes, et si tu es honnête et bon chrétien, tes douleurs te seront payées, et tu te réveilleras dans la gloire.

Tu vois les haillons couverts de boue que portent tes maigres chevaux ; eh bien ! un jour, l’eau de la rivière les lavera ; ils seront confondus sous les marteaux de la papeterie, et les hommes en feront un papier plus blanc que la plus belle toile de lin.

Ainsi de toi, pillawer. Quand tu auras laissé ton pauvre corps couvert de guenilles au fond de quelque fossé, ton ame s’en échappera, blanche et belle, et les anges la porteront dans le paradis.

§ vi.
Le matelot breton. — Remèdes contre les rhumes. — Marcof capitaine du Jean-Louis.

La destruction du commerce extérieur de la Bretagne en a fait disparaître un des types les plus curieux, celui du matelot. Le véritable matelot breton est mort avec la marine de l’empire. À peine si on rencontre encore, çà et là, par hasard, mêlé à nos équipages de ligne, quelques-uns de ces vrais marins conservés dans leur cosse, comme ils le disent, qui ont le mal de terre dans les ports, et qui ne respirent à l’aise qu’entre le ciel et l’eau.

On a dit que le nouveau système des équipages de ligne avait fait disparaître cette vaillante race de marsouins ; mais, dans ce cas, comme souvent, on a pris l’effet pour la cause. C’est parce que la destruction du commerce maritime a diminué d’une manière effrayante le nombre des marins classés, qu’il a fallu recourir au recrutement pour équiper nos flottes. Outre les inconvéniens de tout genre qui sont nés de cette innovation, on peut dire qu’elle a tué à jamais tout ce qu’il y avait de poétique dans l’homme de mer. L’aspect même du marin a changé. On ne trouve plus, dans les rues de Brest ni de Lorient, ces beaux matelots avec les escarpins enrubannés, le pantalon large, l’habit à boutons pressés, le petit chapeau à long poil, moitié lissés, moitié rebroussés, les boucles d’oreille d’or, et les deux tirebouchons