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genre impose ; s’il fallait un exemple, je citerais le Philtre, petite partition pleine de motifs élégans, mais d’où le sentiment est parfaitement exclu.

Ce qui fait surtout regretter qu’il se rencontre si rarement des musiciens en état d’écrire cette sorte de musique, c’est la manière incomparable dont Rubini la chante. On ne peut se figurer tout ce que cet homme met d’expression plaintive et tendre dans le cavatine du second acte de la Sonnambula. Lorsque l’on vient d’entendre Rubini chanter, avec sa véhémence ordinaire et son inspiration, le bel air de Marino Faliero, on se dit en sortant, qu’il ne peut exister en musique, d’effet plus merveilleux. Il y a cependant quelque chose de plus beau que la voix de Rubini, quand elle éclate, c’est la voix de Rubini quand elle pleure. Lablache est toujours ce comédien sympathique et puissant qui met en émoi toute une salle, soit qu’il s’avance sous le manteau du mage assyrien, soit qu’il accoure affublé de l’énorme perruque du maestro de la Prova, ou du grotesque seigneur de Montefiascone. Nous le reverrons bientôt dans un opéra écrit pour lui. En attendant, sa verve bouffonne a éclaté l’autre soir durant tout le cours de la représentation de Cenerentola, ouvrage admirable dans lequel Mme Albertazzi a déployé une belle voix de mezzo soprano et une manière de chanter qui ne manque ni de goût ni d’intonation sûre. Entre tous les chanteurs italiens, Tamburini me semble être le seul qui n’ait pas encore retrouvé ses triomphes des années précédentes. Sans doute, c’est l’occasion qui lui a fait défaut ; elle se présentera tôt ou tard. La saison d’hiver commence à peine ; vienne la Straniera, et il prendra sa revanche. Je ne sais, mais je soupçonne fort le duo des Puritains de l’avoir épuisé ; sa voix souple et flexible a souffert de s’être si souvent tendue en de pareils efforts. Il est imprudent de se mesurer dans un unisson avec un jouteur tel que Lablache. Que Tamburini y prenne garde, sa voix si pure finirait par s’éteindre tout-à-fait, s’il en abusait long-temps de la sorte. En général, l’unisson est funeste aux chanteurs qui n’ont pas, comme Lablache, une poitrine faite d’airain ou du métal dont on fait les cloches. Quelques jours après la révolution de juillet, Nourrit, ému d’un zèle patriotique qu’on ne saurait trop louer, allait de théâtre en théâtre chantant la Parisienne. Cepen-