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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

d’influence dans l’Europe méridionale ; peut-être lui eût-il alors été donné de régler le sort de l’Amérique, et de prévenir pour les deux mondes une longue série d’épreuves et de calamités ; mais une influence aveugle et fatale enchaînait dès lors la liberté de son action, et ce pouvoir donna à l’univers le douloureux spectacle d’un gouvernement s’abîmant au sein d’une prospérité sans exemple, qui, en croissant chaque jour, augmentait ses périls et précipitait sa chute.

Enfin retentit le canon de 1830 ; le royaume des Pays-Bas tomba comme un château de cartes, et la Pologne se suicida avec les armes qu’on lui avait laissées. La restauration française, clé de voûte de cet édifice, fut emportée par une bourrasque, et bientôt la crise orientale préparera pour l’Europe des dangers plus sérieux que ceux dont la menacèrent, en 1830, les mouvemens révolutionnaires de l’Italie et les vagues agitations de l’Allemagne. Il ne restera peut-être alors, de l’édifice de 1815, que des ruines et des enseignemens.

Rappeler ce qui ne se fit pas à Vienne, autant par la faute des circonstances que par celle des hommes, c’est avoir esquissé en quelque sorte la tâche réservée à l’avenir. Il est temps que le respect des nationalités vraiment vivantes devienne la base du système politique, et qu’on fasse, de l’équilibre européen, bien moins le but d’arrangemens factices que la conséquence naturelle de dispositions durables, dictées par le vœu des peuples, et sanctionnées par leur bien-être.

On n’invoque point ici cette étroite nationalité, résurrection du génie antique, que les rêve-creux de l’Allemagne, dans leur haine du cosmopolitisme français, prétendaient imposer à leur patrie ; l’unité des idées prépare l’unité des institutions et des mœurs, et le jour qui verrait triompher le principe des nationalités, verrait aussi consacrer un droit public nouveau, plus rigoureusement applicable à toutes.

L’on ne croit pas non plus que les arrangemens d’où dépendra désormais la stabilité du monde, puissent être irrévocablement empêchés par l’autorité de faits antérieurs, qui ne se concilieraient pas avec eux. Il est tels faits qui, après avoir été sociaux et civilisateurs, ont pourtant cessé de l’être ; si ceux-là succombent, ils n’ont pas de droit à invoquer, car un droit ne prescrit pas contre la Providence. Les sécularisations et les médiatisations germaniques ont contrarié des titres respectables, sans doute, et cependant ces actes ont trouvé leur sanction dans leurs résultats définitifs et les nécessités de l’époque. Les grands états sont une condition essentielle du développement de la civilisation moderne ; condition mieux sentie et d’une réalisation de plus en plus facile, à mesure que la science administrative se perfectionne, et que les