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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/570

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REVUE DES DEUX MONDES.

Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;
Comme les anges de douleurs
Il était couronné d’épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m’en suis si bien souvenu
Que je l’ai toujours reconnu
À tous les instans de ma vie.
C’est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J’ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir,
Pour en vivre ou pour en finir,
J’ai voulu m’exiler de France ;
Lorsqu’impatient de marcher,
J’ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d’une espérance ;

À Pise, au pied de l’Apennin,
À Cologne, en face du Rhin,
À Nice, au penchant des vallées ;
À Florence, au fond des palais,
À Brigues, dans les vieux chalets,
Au sein des Alpes désolées ;

À Gênes, sous les citronniers ;
À Vevay, sous les verts pommiers ;
Au Havre, devant l’Atlantique ;
À Venise, à l’affreux Lido,
Où vient sur l’herbe d’un tombeau
Mourir la pâle Adriatique ;