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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

tation publique de la cité, pour croire à ce qu’on avait osé contre la France ; etc.…

« … Mais le lendemain, quand on vit la gendarmerie se porter aux abords des journaux pour exécuter la loi nouvelle, ranger ses canons aux portes des ministres pour les défendre ; quand on sut les régimens consignés dans leurs casernes, les cartouches prêtes, les munitions ordonnées, souvenez-vous de ce bouillonnement sourd de la population, des ateliers déserts, des boutiques fermées, de ces rassemblemens où la parole était au plus hardi, de ces messages qui couraient d’une réunion à l’autre, de ces paroles d’indignation qu’on échangeait en courant, de cette curiosité qui allait longer les files de cavalerie pour voir le lieu du combat, s’il fallait l’engager ; et puis plus tard, quand on fut assuré de la persévérance du pouvoir, quand on eut épuisé, sans bruit, les provisions des débitans de poudre, qu’on eut arraché les dalles de son toit pour en faire des balles, qu’on eut battu la pierre de son fusil, nettoyé son canon, vous souvient-il de cette soirée du mardi, où l’on alla donner une dernière chance au repentir de la royauté en poussant des cris de : Vive la Charte ?…

« … Mon Dieu ! qui n’a pas vu cette solennelle promenade du cadavre, escortée de flambeaux ? Qui n’a pas entendu ce grand cri qui le précédait et le suivait, disant ironiquement : — Laissez passer la justice du roi ! Qui ne l’a pas suivi à travers la cité indignée et frémissante ? Qui ne s’est pas arrêté près de lui lorsqu’il fut déposé sur les marches de la Bourse, et que chaque passant vint étendre la main sur sa tête en jurant vengeance, tandis que brûlait alors ce corps-de-garde de gendarmerie dont les flammes éclairaient ces milliers de têtes si pressées que d’en haut elles semblaient un pavé noir, ouvert par une fosse au fond de laquelle était un cadavre ? Qui n’a pas été témoin de tout cela peut jouer encore avec le peuple ; mais malheur à qui l’a vu et qui l’a oublié ; qui a oublié ces presses scellées le matin et battant le soir ; ces hommes écrivant la main sur leurs armes ; les plus délicats s’offrant à des travaux de manouvrier, les plus soigneux du calme de leur intérieur oubliant leurs maisons où s’alarmaient leurs familles ; nuit sans sommeil, où tout Paris, illuminé de ses mille réverbères, s’éteignit en une heure ; où tous ses murs, revêtus d’insignes royaux, se dépouillèrent de leur livrée, et qui se dissipa vite, courte qu’elle était, pour montrer au soleil la cité en veste, debout et le fusil à la main. »


Puis vient le récit non moins animé des combats et de la victoire du peuple, que nous regrettons de ne pouvoir citer. Ces belles pages sont dignement couronnées par la page suivante :