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peu de chose. Il ne suffit pas d’avoir au cœur un sentiment pieux et désintéressé pour faire un bon roman historique ; eh ! mon Dieu, cela ne suffit même pas pour faire un livre qu’un homme sensé puisse lire sérieusement d’un bout à l’autre. Est-il donc si difficile à l’auteur d’exprimer directement aux exilés qu’il révère ses sentimens personnels autrement que par la voie de la presse ? Et s’il veut absolument, pour plaire à ceux d’entre eux qui sont encore jeunes, faire des œuvres d’art, que ne consacre-t-il sa plume à mettre la vie du prince François en petits drames récréatifs qu’on pût jouer le soir, en famille, aux ombres chinoises ? Nous ne doutons pas que les deux volumes qui viennent de paraître, si on en retranchait sept ou huit cents pages, ne fournissent un délicieux libretto de lanterne magique.

Le baron d’Holbach, par F. T. Claudon[1].

Ce livre d’un nom si grave et d’un extérieur massif et inculte, c’est un roman. — Y pensez-vous ? le baron d’Holbach, le xviiie siècle, sujets de roman ! Poète, qu’avez-vous à faire là ? que ferez-vous d’une époque où la vie toute entière s’est absorbée à écrire ? Cette époque est-elle autre chose que ses livres ? Hors des livres, en effet, où est la passion, la puissance, la gloire, la poésie ? où est le drame ? On cause, et en causant l’on ébauche un livre ; puis on l’écrit, et, aux heures de fatigue, on a, pour se récréer, les amours, comme on les appelait : et quels amours ! des enfans joufflus et rosés qui ouvrent une fleur pour en compter les stigmates, une sensation douce et utile à connaître, un parfum que l’on brûle autant pour expérimenter que pour savourer. Ainsi du reste : toujours et partout, soit au physique, soit au moral, recherche effrontée de la sensation voluptueuse, en compagnie de l’expérimentation qui regarde à travers sa loupe ; rien de plus. Poète, qu’avez-vous à faire d’un siècle où la vie s’est ainsi arrêtée pour s’analyser et se décrire ? Et hors de ce haut courant de la philosophie, que trouve-t-on ? rachitisme au mal comme au bien ? Nous n’avons que faire de ces statuettes de boue. D’ailleurs, quel siècle s’est peint, comme le xviiie dans sa réalité ? Croyez-moi, les impérissables images qu’il a laissées de lui-même, ou repoussantes ou merveilleuses de vérité, ne sont point à refaire.

Voilà peut-être ce que plusieurs se sont dit ; j’aurais dit comme eux autrefois. À présent, je répondrai : Pourquoi non ? Pourquoi le baron

  1. Deux vol.  in-8o, librairie d’Allardin, rue Saint-André-des-Arts.