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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/671

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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

soulever contre lui. Assurément M. Thiers faisait bien, quand il écrivait de cette sorte ; c’était son droit, et il en usait largement ; mais le droit qu’il exerçait, était un de ces avantages du gouvernement représentatif qu’il a si souvent vantés. Personne ne songeait à le traiter de vil folliculaire ou de misérable journaliste, quand il accomplissait la mission qu’il s’était bénévolement donnée, et qu’il a accomplie avec tant de talent, mais aussi avec tant de cruauté, tant d’insolence, tant d’animosité personnelle et tant d’audace.

Le jeune écrivain était bien exigeant alors envers le pouvoir qui régissait la France ! Il eût fallu mettre le monde en feu pour lui plaire et le contenter. M. de Polignac, on le sait, penchait pour l’Angleterre, et l’alliance avec l’Angleterre eut été une garantie pour la France contre les projets de despotisme du ministère Polignac. Cette pensée ne pouvait échapper à la raison éclairée de M. Thiers, à qui, d’ailleurs, M. de Talleyrand avait sans doute fait valoir tous les avantages de l’alliance anglaise. N’importe ! il fallait frapper sur M. de Polignac, et M. Thiers s’écriait bientôt : « Le monde est las de tous les despotismes. Des sommets de Gibraltar, de Malte, du cap de Bonne-Espérance, une tyrannie immense s’étend sur les mers ; il faut la faire cesser. » Tantôt, combattant la candidature du prince Léopold de Cobourg au trône de la Grèce, il s’efforçait de démontrer que cette élection achèverait d’asservir la Méditerranée, où nous aurions bientôt à combattre l’Angleterre. Sans cesse il prouve, à sa manière, que l’alliance avec l’Angleterre est nuisible. Il se moque du ministère, qui, se mettant en peine d’interdire la Méditerranée aux Russes, la laisse à l’Angleterre, et il cite Bonaparte qui disait avec raison que la Méditerranée est un lac français. M. Thiers, qui fait aujourd’hui partie d’un ministère fondé sur le principe de l’alliance anglaise, faisait alors de l’opposition systématique, de celle qui a forcé M. de Polignac à dire, comme M. Viennet : La légalité nous tue, et à périr sous les coups de cette légalité que ses successeurs trouvent à leur tour si pesante aujourd’hui.

Cette opposition de M. Thiers poursuivait le ministère sur tous les points du globe. Voulait-on constituer la Grèce ? M. Thiers était là pour s’écrier qu’on faisait jouer un rôle déplorable à la