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rait contre la liberté dans le ministère présidé par M. de Polignac, sans doute on y rêvait un coup d’état ; mais plus tard, quand M. Thiers faisait décider, dans le conseil, la mise de Paris en état de siége, il donnait aussi pour motif de cette mesure extra-légale les provocations insolentes de la presse ; c’est encore l’argument qui lui a servi dans la discussion des lois sur les journaux et le jury, et cependant si M. Thiers daignait relire quelques-uns de ses articles de 1830, il penserait certainement que le style des journaux d’aujourd’hui l’emporte autant en modération sur celui du National qu’il rédigeait, que le ministère actuel l’emporte en esprit de légalité, en morale, et en respect pour les institutions, sur le ministère de M. de Polignac !

Voici enfin le tocsin qui sonne, le peuple qui s’ébranle et qui court au combat ! Le sang coule déjà, les canons roulent sur le pavé de la cité royale ! M. Thiers a été entendu ; la monarchie, qui a déchiré son contrat, est déjà à demi renversée ; on n’attend plus qu’une voix, qu’un chef. Mais où donc est M. Thiers ? Où donc s’est cachée cette audace qui promettait la victoire à son parti, et qui attendait si impatiemment l’heure ? Qu’est devenu l’orateur populaire qui traçait si fièrement un cercle autour du pouvoir, et le défiait de faire un pas au-delà. Hélas ! comme Archiloque et comme Horace, M. Thiers, peu accoutumé au tumulte des batailles, avait senti fléchir son courage ; la faiblesse de son corps avait trahi la force de sa volonté, et il s’en était allé, sous les frais ombrages de Montmorency, se dérober à la fois aux dangers qui précèdent les victoires, et aux proscriptions qui suivent souvent les défaites. N’accusez pas M. Thiers d’un manque de cœur, monsieur ; le cœur lui défaillit ce jour-là, mais il avait défailli à beaucoup d’autres ; et M. Thiers a fait voir depuis, en courant avec une sorte d’ostentation aux barricades de juin, qu’il sait au besoin se donner les vertus guerrières. Que voulez-vous ? ce jour-là, M. Thiers n’était pas préparé au danger, et sa provision de courage militaire n’était pas encore faite. Peut-être aussi se disait-il que ce n’était pas aux intelligences d’affronter ainsi les hasards des rues ; peut-être aussi que cette longue étude de nos guerres qu’il avait faite, que l’admiration qu’il professait pour les soldats de la France, lui défendaient d’admettre que des garçons impri-