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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/742

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crité, là, le début infaillible d’une carrière glorieuse. Nous nous éloignerions étrangement de notre but, si ces notices historiques devaient fortifier de tels préjugés. Aussi, sans vouloir affaiblir les émotions vives et pures qu’excitent chaque année les distributions de prix, nous rappellerons aux uns, afin qu’ils ne s’abandonnent pas à des rêves que l’avenir pourra ne point réaliser, aux autres, dans la vue de les prémunir contre le découragement, que Pic de la Mirandole, le phénix des écoliers de tous les temps et de tous les pays, fut, dans l’âge mûr, un auteur insignifiant ; que Newton, cette puissante intelligence dont Voltaire a pu dire sans faire crier à l’exagération :


Confidens du Très-Haut, substances éternelles,
Qui parez de vos feux, qui couvrez de vos ailes
Le trône où votre maître est assis parmi vous,
Parlez, du grand Newton n’étiez-vous point jaloux ?


que le grand Newton, disons-nous, fit, en termes de collége, de très médiocres classes ; que l’étude n’avait d’abord pour lui aucun attrait ; que la première fois qu’il éprouva le besoin de travailler, ce fut pour conquérir la place d’un élève turbulent qui, assis, à cause de son rang, sur une banquette supérieure à la sienne, l’incommodait de ses coups de pied ; qu’à vingt-deux ans, il concourut pour un Fellowship de Cambridge, et fut vaincu par un certain Robert Uvedale, dont le nom, sans cette circonstance, serait aujourd’hui complètement oublié ; que Fontenelle, enfin, était plus ingénieux qu’exact, lorsqu’il appliquait à Newton ces paroles de Lucain : « Il n’a pas été donné aux hommes de voir le Nil faible et naissant. »

À l’âge de six ans, Young entra chez un professeur de Bristol dont la médiocrité fut pour lui une bonne fortune. Ceci n’est point un paradoxe : l’élève ne pouvant se plier aux allures lentes et compassées du maître, devint son propre instituteur, et c’est ainsi que se développèrent de brillantes qualités que trop de secours eussent certainement énervées.

Young avait huit ans, lorsque le hasard, dont le rôle dans les évènemens de la vie de tous les hommes est plus considérable que leur vanité ne juge prudent de l’avouer, vint l’enlever à des études exclusivement littéraires et lui révéler sa vocation. Un arpenteur de beaucoup de mérite, à côté duquel il demeurait, le prit en grande affection. Il l’emmenait quelquefois sur le terrain, les jours de fête, et lui permettait de jouer avec ses instrumens de géodésie et de physique. Les opérations à l’aide desquelles le jeune écolier voyait déterminer