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symptômes menaçans cédèrent aux prescriptions de l’art et aux soins empressés dont le malade fut l’objet de la part de tous ses parens.

Il est rare, chez nos voisins d’outre-mer, qu’une personne riche, en confiant son fils à un précepteur particulier, ne lui cherche pas un camarade d’étude parmi les jeunes gens du même âge qui déjà se sont fait remarquer par leurs succès. C’est à ce titre que Young devint, en 1787, le condisciple du petit-fils de M. David Barclay, de Youngsbury, dans le comté de Hertford. Le jour de son installation, M. Barclay, qui sans doute ne croyait pas avoir le droit de se montrer très exigeant avec un enfant de quatorze ans, lui donna plusieurs phrases à copier, afin de s’assurer s’il avait une belle écriture. Young, peut-être humilié de ce genre d’épreuve, demanda, pour y satisfaire, la permission de se retirer dans une salle voisine. Son absence ayant duré plus long-temps que la transcription ne semblait devoir l’exiger, M. Barclay commençait à plaisanter sur le manque de dextérité du petit quaker, lorsqu’enfin il rentra. La copie était remarquablement belle : un maître d’écriture n’aurait pas mieux fait. Quant au retard, il n’y eut plus moyen d’en parler, car le petit quaker, comme l’appelait M. Barclay, ne s’était pas contenté de transcrire les phrases anglaises proposées : il les avait encore traduites dans neuf langues différentes.

Le précepteur, ou, comme on dit sur l’autre rive de la Manche, le tutor, qui devait diriger les deux écoliers de Youngsbury, était un jeune homme de beaucoup de distinction, alors tout occupé à se perfectionner dans la connaissance des langues anciennes ; c’était l’auteur futur de la Calligraphia græca. Il ne tarda pas, cependant, à sentir l’immense supériorité de l’un de ces deux disciples, et il reconnaissait, avec la plus louable modestie, que, dans leurs communes études, le véritable tutor n’était pas toujours celui qui en portait le titre.

À cette époque, Young rédigea, en recourant sans cesse aux sources originales, une analyse détaillée des nombreux systèmes de philosophie qui furent professés dans les différentes écoles de la Grèce. Ses amis parlent de cet ouvrage avec la plus vive admiration. Je ne sais si le public est destiné à jamais en jouir. En tout cas il n’aura pas été sans influence sur la vie de son auteur, car en se livrant à un examen attentif et minutieux des bizarreries (je me sers d’un terme poli), dont fourmillent les conceptions des philosophes grecs, Young sentit s’affaiblir l’attachement qu’il avait eu jusque-là pour les principes de la secte dans laquelle il était né. Toutefois, il ne s’en sépara entièrement que quelques années après, pendant son séjour à Édimbourg.

La petite colonie studieuse de Youngsbury quittait pendant quelques mois d’hiver le comté de Hertford et allait habiter Londres. Durant