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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/747

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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

aux progrès des connaissances humaines. Tel est le cours ordinaire des choses ; telle, conséquemment, ne devait pas être la marche de Young. À vingt ans, il adresse un mémoire à la société royale ; le conseil, composé de toutes les notabilités contemporaines, honore ce travail de son suffrage, et bientôt il paraît dans les Transactions. L’auteur y traitait de la vision.

Le problème n’était rien moins que neuf. Platon et ses disciples, quatre siècles avant notre ère, s’en occupaient déjà ; mais aujourd’hui leurs conceptions ne pourraient guère être citées que pour justifier cette célèbre et très peu flatteuse sentence de Cicéron ; « On ne saurait rien imaginer de si absurde qui n’ait trouvé quelque philosophe capable de le soutenir ! »

Après avoir traversé un intervalle de vingt siècles, il faut de la Grèce se transporter en Italie quand on veut trouver, sur l’admirable phénomène de la vision, des idées qui méritent un souvenir de l’historien. Là, sans avoir jamais, comme le philosophe d’Égine, interdit fastueusement leur demeure à tous ceux qui n’étaient pas géomètres, des expérimentateurs prudens jalonneront la seule route par laquelle il soit donné à l’homme d’arriver sans faux pas à la conquête de régions inconnues ; là, Maurolycus et Porta crieront à leurs contemporains, que le problème de découvrir ce qui est présente assez de difficultés, pour qu’il soit au moins bien présomptueux de se jeter dans le monde des intelligibles à la recherche de ce qui doit être ; là, ces deux célèbres compatriotes d’Archimède commenceront à dévoiler le rôle des divers milieux dont l’œil est composé, et se montreront résignés, comme le furent plus tard Galilée et Newton, à ne pas s’élever au-dessus des connaissances susceptibles d’être élaborées ou contrôlées par nos sens, et qu’on stigmatisait, sous les portiques de l’Académie, de la qualification dédaigneuse de simple opinion. Telle est, toutefois, la faiblesse humaine, qu’après avoir suivi, avec un rare bonheur, les principales inflexions de la lumière à travers la cornée et le cristallin, Maurolycus et Porta, près d’atteindre le but, s’arrêtent tout à coup, comme devant une insurmontable difficulté, dès qu’on oppose à leur théorie que les objets doivent paraître sens dessus dessous si les images dans l’œil sont elles-mêmes renversées. L’esprit aventureux de Képler, au contraire, ne se laisse pas ébranler. C’est de la psychologie que part l’attaque, c’est par la psychologie claire, précise, mathématique, qu’il renverse l’objection. Sous la main puissante de ce grand homme, l’œil devient, définitivement, le simple appareil d’optique connu sous le nom de chambre obscure : la rétine est le tableau, le cristallin remplace la lentille vitreuse.