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DIPLOMATES EUROPÉENS.

vieille maison d’Europe. L’empereur n’avait jamais de paroles brusques pour M. de Metternich. Il le regardait comme l’expression du système français en Autriche. Plus d’une fois ils avaient agité ensemble ces questions de balance européenne qui occupaient l’esprit de Napoléon. M. de Metternich présentait l’alliance de la France et de l’Autriche comme une nécessité ; il rappelait ce traité de 1756, conclu sous l’influence du duc de Choiseul, comme la base de la nouvelle position de l’Europe vis-à-vis de la Russie. La situation de l’Autriche réclamait alors impérieusement cette transaction diplomatique. Napoléon venait de partir pour l’entrevue d’Erfurt. Des promesses avaient été échangées entre lui et Alexandre. Dans ces plans gigantesques, l’Autriche était sacrifiée ; on ne l’ignorait pas à Vienne. Les tentatives de M. de Metternich à Paris avaient donc été vaines. La guerre d’Espagne venait d’éclater. N’était-ce pas un nouvel avertissement pour la maison d’Autriche ?

Il y avait alors dans la nation allemande un commencement de réaction contre les Français. La paix de Presbourg, en posant partout dans la confédération germanique les principes et presque l’administration française, avait excité de vifs mécontentemens. Des contributions de guerre considérables, les nombreuses vexations que des généraux et des employés français s’étaient permises dans leur conquête, avaient aliéné les esprits, et il fallait toute la sagesse des gouvernemens pour maintenir les peuples dans les voies de l’obéissance. À Vienne, l’esprit anti-français se montrait à la cour, parmi la noblesse et dans les associations secrètes pour la liberté de l’Allemagne. L’Angleterre encouragea ces dispositions ; elle promit des subsides à un cabinet obéré. Elle montrait de loin à l’Autriche la résistance de la Péninsule, et les difficultés qu’elle créait à la puissance militaire de Napoléon, depuis Baylen surtout. Pourquoi ne profiterait-on pas de cette circonstance pour secouer les conditions humiliantes de la paix de Presbourg ? L’archiduc Charles n’était-il pas un aussi grand capitaine que Napoléon ? On voulait des subsides, eh bien ! on en aurait. L’Angleterre s’engageait à entretenir l’armée autrichienne, si elle unissait ses efforts à la cause commune. Cette opinion prévalut bientôt parmi la noblesse allemande, et le comte de Stadion entra complètement dans les idées anglaises. D’immenses levées se préparèrent silencieusement.

M. de Metternich eut pour mission, à cette époque, de couvrir par de flatteuses promesses les préparatifs militaires que faisait l’Autriche ; ses notes étaient pleines de protestations de paix, de témoignages de confiance. C’était son rôle ; l’Autriche ne voulait engager la guerre