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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/100

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REVUE DES DEUX MONDES.

sur toutes les citations voulues. Le prêtre, l’historien, le géographe, le voyageur, l’artiste, peut-être même le commerçant, y peuvent trouver un secours profitable. Ce travail doit réussir beaucoup dans les universités protestantes d’outre-Rhin. Là le protestantisme est encore, sinon à l’état de combat, du moins pénétré de la nécessité d’être fort et savant vis-à-vis du catholicisme. Un pareil livre serait bien plus utile à notre clergé que beaucoup de traités qui ne sont que de vains formulaires.

Faust, tragédie nouvelle, par B. de B., Leipzig.

On peut admettre, pour refaire l’œuvre de Goëthe, bien des raisons excellentes dont la meilleure est que Faust appartient à l’humanité entière dont il représente la partie supérieure. Sous tous les rapports, ce pourrait être un personnage éternel à bien plus juste titre qu’Atride, dans la littérature allemande qui prétend, depuis longues années, ne vivre que de symboles. Faust, sorte de Prométhée de l’âge chrétien, est cette activité rêveuse de l’intelligence solitaire qui se dévore elle-même quand les élémens lui manquent dans le domaine du réel, et que les contradictions l’arrêtent dans le possible. Toutes les voies des mondes visibles et de l’infini étant ouvertes à ses aspirations fiévreuses, c’est l’histoire de l’humanité entière, non pas seulement en général, mais de toutes les individualités, de tous les caractères excentriques, que le poète entreprendra de rendre vraisemblables. Ce sera même l’humanité par ses côtés les plus étroits, avec ses faiblesses misérables, et le caprice maladif de Faust pourra l’y faire descendre souvent. Je ne connais, dans l’histoire de l’esprit humain, aucun symbole aussi vaste, aussi fécond, et qui puisse aussi bien servir de cadre commun aux vocations les plus diverses, aux talens les plus opposés, de champ où puissent mieux se rencontrer, avec un but différent, le philosophe, le poète et peut-être le prêtre.

Symbole pour symbole, n’était le besoin de variété, j’aimerais mieux celui-ci que tout autre. On n’y risque guère que d’être clair en même temps que vrai, ce qui est nécessaire fort souvent, et ce serait un point de départ certain d’où l’on pourrait arriver à tout un centre dont les rayons, suivis par une main artiste, éclairent toutes les questions que peut soulever l’humanité.

Le Faust de M. de B., qui commence comme tous les Faust possibles, est fatigué de l’incertitude que lui laissent les sciences et les systèmes, et le bruit public l’accuse avec raison de se livrer à la magie. La scène s’ouvre dans un cabaret, où des étudians, dignes du xive siècle, vengent sur le dos de bourgeois vieux chrétiens, à l’instinct grossier, mais sûr,