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DES GRANDES ÉPIDÉMIES.

baient dans leur stupeur ; il fallait la continuer jusqu’à ce qu’ils fussent complètement épuisés de fatigue. Un phénomène remarquable chez les malades, c’était leur désir de la mer ; ils demandaient qu’on les portât sur ses rivages, ou au moins qu’on les entourât de l’image de l’eau ; grande opposition avec cette autre redoutable maladie nerveuse : la rage.

On trouve dans plusieurs médecins grecs, et entre autres dans Marcellus de Sida, qui vivait sous Adrien et Antonin, la description d’une singulière maladie nerveuse. Voici le tableau qu’en trace Oribase, médecin de l’empereur Julien. « Ceux qui sont atteints de ce mal, sortent de chez eux pendant les heures de nuit ; ils imitent les allures du loup en toute chose et errent jusqu’au lever du soleil autour des tombeaux. Il est facile de les connaître ; ils sont pâles, ils ont les yeux ternes, secs et enfoncés dans les orbites ; la langue est très sèche ; ils n’ont point de salive dans la bouche, et la soif les dévore ; leurs jambes, attendu qu’ils font de fréquentes chutes pendant la nuit, sont couvertes d’ulcères incurables. » Les médecins grecs appelèrent ces malades Lycantrophes, et le vulgaire, dans nos contrées, les désigna sous le nom de Loupgarous. Ils pullulèrent, en effet, dans le moyen-âge, et ces individus qu’une étrange perversion des facultés intellectuelles portait à fuir dans les lieux déserts, à errer la nuit, souvent à marcher à quatre pattes, et même à se livrer à d’horribles appétits ; ces individus qu’une superstition non moins étrange plaçait sous l’influence des démons, ont été nombreux à certaines époques. Il est des temps où il s’établit une réaction entre les opinions régnantes et certaines altérations mentales, et où celles-ci se multiplient d’autant plus qu’on les croit plus communes. Les hommes qui étaient sous l’influence de mauvaises dispositions et d’un dérangement prochain, et qui n’entendaient parler autour d’eux que de ces transformations d’êtres humains en bêtes sauvages, tombaient soudainement atteints du mal qui régnait, et allaient grossir la foule de ces malheureux fous qui se croyaient réellement changés en loups. Ce Léger de Versailles, qui tout récemment s’est enfui dans les bois, y a vécu plusieurs mois solitaire et a fini par y assassiner une petite fille et la dévorer en partie, était atteint d’une aliénation toute semblable, et aurait passé jadis pour un loupgarou.

On rangera dans la même catégorie les sorciers qui ont tant occupé les hommes, il y a quelques siècles. La plupart n’étaient ni des scélérats en communication avec le diable, comme le pensaient les juges stupides qui les condamnaient, ni des imposteurs qui essayaient de tromper le vulgaire, comme on est de nos jours porté à le croire ; c’étaient des fous que l’on nomme, en langage technique, hallucinés. Ils croyaient voir le diable, lui parler, être transportés au sabbat, danser