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REVUE. — CHRONIQUE.

gration, le royalisme, le jésuitisme, nous ont offert tour à tour ce spectacle curieux. Il en est ainsi des doctrinaires, qui ne pouvaient échapper à la loi commune à toutes les agrégations politiques. Depuis M. de Rémuzat, dont la spirituelle insouciance et l’esprit de raillerie déconcertent les plus fortes têtes du parti, jusqu’à M. Duvergier de Hauranne, le Bothwel de ce camp, le parti doctrinaire compte un nombre infini de degrés bien distincts où se sont placés les adeptes, selon leur caractère et leurs passions ; sorte d’échelle de Jacob où, au lieu d’anges, l’on compte des roués. M. Royer-Collard était jadis au faîte de cette échelle ; mais depuis long-temps il en est descendu ; et ce qu’il y a d’étrange, c’est que cette place a été prise, non par M. Guizot, non par M. de Broglie, mais par M. Duvergier de Hauranne, qui s’est fait la sentinelle avancée et l’éclaireur du parti. M. Duvergier de Hauranne est plus doctrinaire que la doctrine elle-même, comme on a pu le voir dans son dernier discours. Sa parole rappelle les sorties des plus fougueux royalistes de 1815, qui ne voulaient pactiser avec aucun parti, et réduisaient la France à vingt personnes. Le discours de M. Duvergier s’adresse moins à la chambre, moins au pays, qu’à sa coterie, ou plutôt qu’à lui-même. Il gourmande M. Guizot, qui a la faiblesse de croire qu’un ministre ne doit pas borner ses relations politiques au petit nombre d’intimes qui l’entouraient quand il professait l’histoire, et qui s’est aperçu, récemment il est vrai, qu’il pouvait bien se trouver en France quelques hommes de sens et de talent autres que les anciens rédacteurs du Globe ; ce discours morigène aussi M. de Broglie, dont les accointances politiques s’élargissent trop au gré du puritanisme doctrinaire de M. Duvergier ; M. Duchâtel, qui oublie quelquefois quelles mains ont marqué son front innocent de la dignité ministérielle ; M. de Rémuzat, qui rit de tout ce qui fait pleurer M. Duvergier ; en un mot, les cinq ou six députés ou ministres, ses amis, qui tiennent, depuis quatre ans, la France sous leur manteau, et qui en relèvent imprudemment un pan sous lequel pourrait bien se glisser la lumière. M. Duvergier veut qu’on veille sans cesse, il se défie de tout ; dès qu’un homme, qui n’est pas de la chair et des os du ministère, comme dirait M. Mahul, se rapproche du ministère et semble désirer l’affermissement de ce régime, cet homme lui devient suspect. Un membre de l’opposition parle ou écrit en faveur de la paix, lisez et entendez qu’il veut la guerre, et prenez garde qu’il ne mette l’Europe en feu ; un autre vous tend la main, retirez la vôtre si vous ne voulez périr, car il vous frapperait ; M. Duvergier veut que la politique du pouvoir soit ferme ; mais il repousse obstinément la politique généreuse et conciliatrice ; la faible main de M. Duvergier, qui peut à peine tenir une plume, voudrait tout écraser ; cette voix, qui arrive à peine de la