— Hélas ! je ne lui écris jamais, et pour cause.
— Oh bien ! sainte femme, vous ne savez pas écrire ; je pose les deux genoux devant vous, illettrée sublime !
— Qu’est-ce que vous dites là, mon enfant ? vous vous moquez de moi !
— Je baise le bas de ta robe, sainte Geneviève-des-Prés, paysanne sur la terre, reine dans les cieux ! — Mais voyons, je vais écrire à Simon sous votre dictée…
— Eh bien ! oui, mais non ; j’ai bien des petits secrets à lui dire, dans lesquels vous êtes de trop, mignonne.
— En vérité ? eh bien ! je vais lui écrire de ma part et vous lui porterez ma lettre.
— Bonté divine ! que lui écrirez-vous donc ?
— Rien d’important ni d’efficace pour le consoler, malheureusement. L’avenir seul peut apporter le remède à ses maux ; mais je lui parlerai de mon amitié, de celle de son parrain, de celle de Bonne… je lui dirai qu’il se doit à nous tous, à vous surtout, sa mère chérie… qu’il faut espérer, prendre courage, soigner sa santé, surmonter ses peines ; vivre enfin, et nous aimer comme nous l’aimons.
— Écrivez donc tout cela, cher ange, et je le porterai moi-même ; car j’ai quelque chose en outre à lui dire.
— Quoi donc ? dit la malicieuse Fiamma.
— Rien qui vous concerne, dit la vieille femme.
— Oh ! je le crois ! reprit l’enfant avec un sourire.
Elle se plaça dans un coin pour écrire, et la vieille se prépara au départ ; elle mit son jupon rayé, sa cape de molton blanc, et ses mitons de laine tricotée.
— Mais, comment irai-je ? s’écria-t-elle tout d’un coup ; il a emprunté le cheval de M. Parquet pour s’en aller, et la mule de Mlle Bonne est en campagne ?
— Je vous prêterai Sauvage.
— Oh ! oh ! non pas, je ne suis pas lasse de vivre, tant que j’aurai mon Simon !
— Comment donc faire ? dit Fiamma ; chercher un cheval dans le village ? Cela va nous retarder. Il est déjà quatre heures. — Et si nous n’en trouvons pas, il faudra que Simon passe cette soirée dans la tristesse !