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REVUE DES DEUX MONDES.

Hommes[1], poème incomplet, par un homme de talent, M. Adolphe Dumas. Ce dernier poème, qui est précédé d’une préface philosophique très remarquable, dans laquelle l’auteur se porte comme le disciple libre et le continuateur à sa manière des Vico, Condorcet, Bonnet, Fabre d’Olivet, Ballanche, Saint-Simon, etc., ce poème auquel on ne peut refuser élévation et imagination, réunit en lui toutes les difficultés conjurées de l’idée, de la langue et du rhythme, tous les mélanges de l’individuel et du social, du réel, du mythique et du prophétique ; c’est comme une cuve ardente où bouillonnent, coupés par morceaux, tous les membres d’Éson. L’auteur, qui a plus d’un rapport de ressemblance avec M. Quinet dont nous parlerons tout à l’heure, appartient, comme lui, à cette génération infatigable et généreuse, pure, avide d’espérance, insatiable de beaux désirs, de laquelle lui-même il a dit en un endroit :


Toute une nation puissante qui s’éprend
Pour le bien, pour le bon, pour le beau, pour le grand ;
Et toute une jeunesse ardente et sérieuse,
Qui pâlit de travail, et, les larmes aux yeux,
Cherchant son avenir, au plus profond des cieux
Suit l’étoile mystérieuse.


On hésite à faire l’aumône d’une louange restreinte, mais sentie, et d’un regret compatissant (lorsqu’elles échouent), à ces vastes ambitions poétiques qui demandent du premier coup un monde tout entier nouveau, qui voudraient doter de leur poésie, comme d’une religion, l’univers, et à qui le rameau de Dante semblerait parfois trop léger. Qu’offrir, en retour de leurs labeurs et de leurs vœux, à ceux qui vous disent, comme M. Adolphe Dumas :


Quand on s’est mis en tête une idée éternelle,
Qu’on y tient, à son flanc, comme on tient à son aile,
Cela n’est plus possible ! — Un moi mystérieux
Nous pousse ; alors on prend la vie au sérieux :
Plus de jeux dans les prés, plus de frais sous le saule ;
Le soir plus de momens perdus en doux propos ;
Il faut douze combats, et puis, pour le repos,
La peau de lion sur l’épaule !

  1. Henri Dupuy, rue de la Monnaie, 11.