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était attaché aux franchises de la ville, et tout homme qui en jouissait, tout freeman, était électeur ; dans d’autres, il était attaché à la maison, l’occupant principal, house-holder, propriétaire ou locataire, prenait part à l’élection ; dans le plus grand nombre, il était donné par la propriété ou l’usufruit de terres appartenant originairement à la commune, mais qui étaient souvent devenues, par prescription, des propriétés privées, de même que les copy-holds dont il a été parlé plus haut.

Comme, dans les temps où s’établit le système électoral, les bourgs et les villes se composaient en grande partie d’industriels qu’un besoin de protection mutuelle avait réunis, les terres d’origine communale n’étaient pas habituellement, comme les terres tenues en freehold dans les comtés, l’unique moyen de subsistance du possesseur ; et l’indépendance de son vote se trouvant ainsi assurée par un autre moyen, l’usufruitier d’une tenure bourgeoise, burgage-tenure, était, dans la plupart des bourgs, appelé à être électeur, même quand le revenu de la tenure était au-dessous de 40 shillings. On verra bientôt à quels abus conduisit cette absence d’une limite inférieure.

Les freemen, les house-holders, les burgage-tenants des bourgs pourris étaient pour la plupart dans la dépendance absolue du patron du bourg, de qui ils n’obtenaient les terres ou les maisons qu’ils occupaient que sous la condition tacite de voter conformément à ses désirs, condition à laquelle la publicité du vote ne leur permettait pas de se soustraire impunément. S’ils manquaient à cet engagement, le patron avait toujours le pouvoir et souvent la volonté de les en faire sur-le-champ repentir. Un fait, qui date du commencement de ce siècle, montrera jusqu’à quel point sa vengeance pouvait être portée. À Ilchester, dans le comté de Sommerset, les house-holders étaient électeurs, et les maisons qui leur conféraient ce droit, au nombre de 300 environ, appartenaient presque toutes à sir Williams Manners. Aux élections générales de 1802, les électeurs furent achetés à 750 francs par tête et votèrent contre le candidat de sir Williams. Celui-ci, pour s’en venger et pour réduire le nombre des électeurs, fit abattre 240 maisons, et construire, pour les gens qu’il délogeait si brutalement, une sorte d’hospice où ils demeurèrent depuis 1803 jusqu’en 1818.

D’autres propriétaires, qui peut-être auraient reculé devant l’exécution, ont du moins eu recours à des moyens d’intimidation de même nature ; ainsi la Revue d’Édimbourg cite les faits suivans : « Un propriétaire, aux approches d’une élection, avait eu la précaution de n’affermer qu’à la semaine, pour que ses locataires pussent, à la première désobéissance, être promptement congédiés. Un autre, plus prévoyant encore, avait eu le soin de faire signifier les congés sept jours avant l’élection, afin de pou-